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Afrique de l’Ouest : les paysans, créateurs de biodiversité agricole

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Montpellier, France
May 24, 2007

Confronté à la pauvreté et aux contraintes du climat, le paysan africain vise en premier lieu sa sécurité alimentaire. Un colloque international, organisé par le Cirad, l’Icrisat, l’IER, l’Inera et l’AOPP au Mali, du 15 au 18 mai, révèle le rôle joué par ces paysans dans la conservation des ressources génétiques des plantes alimentaires*.

Entretien avec Didier Bazile (photo), chercheur au Cirad (Unité de recherche Gestion des ressources renouvelables et environnement) et organisateur du colloque.

Quel est, pour les paysans africains, l’intérêt de la conservation de la biodiversité en agriculture via l’agrobiodiversité ?

La diversité des plantes alimentaires permet à l’homme d’adapter ses cultures aux conditions à la fois environnementales, climatiques et économiques présentes et à venir. En raison d’une augmentation de la sécheresse et de l’intensification des systèmes de culture, 25 % des variétés de sorgho ont d’ores et déjà disparu dans le nord du Mali, sur les vingt-cinq dernières années. Au sud, ce sont 60 % des variétés qui ne sont plus cultivées. De plus, avec la croissance des populations, la plupart des terres arables sont déjà occupées par les cultures. Les terres nouvellement défrichées encore disponibles sont des terres à fortes contraintes agricoles. Mais le mil ou le sorgho peuvent y pousser. Rustiques, ces plantes traditionnelles sont cultivées dans les systèmes à faible niveau d’intrants. Pour permettre cette adaptation aux environnements locaux, il est donc nécessaire de préserver la diversité des plantes alimentaires d’Afrique de l’Ouest - sorgho, mil, riz, manioc, igname ou encore niébé - et de favoriser leur diffusion tout en les améliorant. Attention cependant, si l’homme est a priori vu comme destructeur de la biodiversité, dans le contexte de l’agriculture, c’est pourtant lui qui a généré la diversité des variétés en fonction de ses besoins. L’homme doit donc également être reconnu comme créateur de biodiversité.

Quelles sont, dans cet objectif de conservation, les conclusions issues des différentes sessions du colloque ?

Durant le colloque, l’image du paysan a été fortement valorisée, d’une part, à travers son rôle dans la préservation et la création de biodiversité, d’autre part, dans ses pratiques d’échanges, qui déterminent une conservation dynamique in situ. En effet, jusqu’à présent, les conditions locales, socio-économiques et environnement, et les modes de fonctionnement des paysans n’étaient pas pris en compte dans les processus de développement et de sélection de nouvelles variétés. Les semences n’étaient pas adaptées à leurs contraintes : les variétés issues de la recherche ne fournissaient pas une production aussi stable dans le temps que celles des paysans. Et la diffusion des semences était déconnectée des systèmes de diffusion propres aux paysans : 90 % des semences utilisées par ces derniers proviennent d’une reproduction à la ferme de leurs variétés, et non des systèmes nationaux fournisseurs de semences issues de la recherche. Or, l’agrobiodiversité, thème central du colloque, oblige à placer le paysan, et non la plante, au premier plan, car c’est lui qui fait la plante. C’est pourquoi l’étude des règles implicites d’accès aux variétés et d’échanges de celles-ci entre les paysans est essentielle.
Lors du colloque, pour la première fois, les deux courants, fort opposés, de sélection classique et de sélection participative se sont retrouvés côte à côte. Il y a eu de fortes oppositions sur les méthodes mais le dialogue a été rendu possible et il a été constructif. Preuve en est les résultats de deux projets de recherche sur le sorgho, qui s’achèvent cette année et qui ont été présentés à Bamako**. L’idée selon laquelle il ne suffit pas d’adapter l’environnement à une semence miracle mais qu’il faut également adapter les variétés à l’environnement fait son chemin. Pour assurer la stabilité de leur production dans un milieu contraint, les paysans ont besoin de lots de semences d’une même variété mais présentant une large adaptation : les variétés paysannes constituent ces populations polyformes à partir d’un même lot de semences. C’est le contraire des lignées pures de la sélection classique. Cependant, pour augmenter sa productivité, le paysan fait appel à la recherche. C’est pourquoi il faut travailler ensemble. L’un des deux projets, mené par le Cirad, a notamment permis de mettre au point, avec les paysans, de nouvelles variétés correspondant à leurs besoins et à leurs pratiques.

Les paysans ont été fortement représentés lors du colloque. Quelle a été leur implication ?

Ce colloque s’est voulu l’écho de celui qui s’est tenu en 1997*** et avait mis en lumière la nécessité de renforcer les pratiques locales favorables au maintien de la diversité génétique. Dix ans après, les paysans ou représentants d’organisations ou de coopératives paysannes ont constitué plus d’un quart des participants au colloque. Il a été étonnant de voir l’intérêt manifesté par les paysans pour les communications scientifiques. Ils ont proposé de créer des coopératives sur lesquelles le système semencier national pourrait s’appuyer, à la fois pour ramener la conservation ex situ des variétés traditionnelles plus près du paysan et pour améliorer la diffusion des variétés améliorées. Les paysans ont pris conscience de leur rôle dans la préservation de la biodiversité mais aussi de l’intérêt que cette biodiversité pouvait avoir pour eux. La reconnaissance de leurs savoirs locaux et de leur rôle en tant qu’acteurs du système semencier en fait des partenaires incontournables pour les futures recherches sur la conservation et l’amélioration des plantes.

* AOOP : Association des organisations paysannes du Mali.
Icrisat : International crops research institute for the semi-arid tropics.
IER : Institut d’économie rurale du Mali.
Inera : Institut de l’environnement et de recherches agricoles.

** le projet « Agrobiodiversité des sorghos au Mali et au Burkina Faso » (2002-2007), financé par le Fonds français pour l’environnement mondial et coordonné par l’unité Agrobiodiversité des plantes des savanes du Cirad ;
   le projet « Amélioration de l’accès à la diversité génétique du sorgho à travers la sélection participative : rôle des différents types d’organisations paysannes et des organismes de développement au Mali » (2003-2007), financé par le Bundesminister für wirtschaftliche Zusammenarbeit / Deutsche Gesellschaft für technische Zusammenarbeit de la République fédérale d’Allemagne et coordonné par l’Icrisat.

*** Le colloque « Gestion des ressources génétiques des plantes en Afrique des savanes » s’est tenu en février 1997 à Bamako, au Mali.

En savoir plus:

Un colloque international sur la gestion des ressources génétiques en zone de savanes d’Afrique de l’Ouest (communiqué de presse, 04-05-2007)

Unité de recherche Agrobiodiversité des plantes des savanes

Unité de recherche Gestion des ressources renouvelables et environnement

 

 

 

 

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