Longueuil, Québec
April 20, 2006
"Comment peut-on à la fois
reconnaître un problème et en nier les impacts? D'un côté,
l'Agence des services frontaliers du Canada reconnaît que le
mais-grain des Etats-Unis bénéficie de subventions déloyales et
qu'il est déversé chez nous à des prix de dumping, de l'autre
côté, le Tribunal canadien
du commerce extérieur conclut que ce phénomène ne cause
aucun dommage à la production canadienne. Si Ottawa retire les
droits compensateurs et anti-dumping sur le mais américain,
comment compte-t-il aider les producteurs canadiens à la veille
des semences?"
C'est en ces termes que se sont exprimés M. Laurent Pellerin,
president de l'Union des
producteurs agricoles (UPA), et M. Christian Overbeek,
président de la Fédération des
producteurs de cultures commerciales du Québec (FPCCQ) en
conférence de presse ce matin. Ils réagissaient à la décision du
Tribunal canadien du commerce extérieur rendue publique mardi
soir dernier.
Pendant que les fermiers américains jouissent de subventions
massives de la part de leur gouvernement et qu'ils enregistrent
des records au chapitre des revenus nets agricoles, nos
agriculteurs, eux, sont toujours dans l'attente du soutien
promis par les conservateurs en campagne électorale, soit le
versement d'une aide immédiate pour les semences du printemps et
l'enclenchement de la réforme promise de la politique agricole
canadienne.
Faute d'un soutien adéquat du gouvernement fédéral, les
producteurs de grains n'avaient eu d'autre choix que de se
tourner vers le Tribunal canadien du commerce extérieur afin de
freiner l'entrée massive du mais américain à des prix de dumping
sur nos marchés et ainsi ralentir la chute dramatique de leurs
revenus. Après que l'Agence des services frontaliers du Canada
ait reconnu aux producteurs canadiens les importants préjudices
commerciaux qu'ils ont subis et qu'elle ait imposé un droit
compensateur temporaire au mais américain, voilà que le Tribunal
conclut à une absence de dommage sur notre production.
Rappelons que c'est à la suite d'une plainte déposée en août
2005 par la Coalition des producteurs de mais du Canada (PMC),
composée par la Fédération des producteurs de cultures
commerciales du Québec (FPCCQ), la Ontario Corn Producers
Association et la Manitoba Corn Producers Association, que
l'ASFC et le Tribunal canadien du commerce extérieur avaient
enclenché le long processus menant jusqu'à la décision décevante
rendue ce mardi 18 avril.
"Il faut comprendre que cette initiative des PMC, à laquelle a
participle activement la FPCCQ, n'est que le résultat de
l'inaction du gouvernement fédéral, a insisté M. Overbeek.
Depuis plus de trois ans que les producteurs de grains du
Canada, et particulièrement ceux du Québec, demandent au
gouvernement canadien de mettre en place les moyens pour
endiguer la crise dans laquelle ils sont plongés. Cette décision
du tribunal s'additionne au lot des difficultés et arrive comme
une tuile additionnelle pour les agriculteurs canadiens. D'une
promesse à l'autre, rien n'a été fait. Aujourd'hui, on demande
au gouvernement de respecter ses engagements. Nous étions 7 000
sur la colline parlementaire le 5 avril dernier. Combien
faudra-t-il être pour se faire entendre?"
Pour le président de l'UPA, "cette décision du tribunal nous
démontre, une fois de plus, que les mécanismes de commerce
international ne nous mettent aucunement à l'abri du dumping de
produits étrangers. En fait, elle rend plus nécessaire que
jamais une intervention vigoureuse et immédiate de la part du
gouvernement pour ramener la rentabilité des fermes canadiennes.
Il est clair que les programmes actuels de sécurité du revenu ne
répondent pas aux besoins des agriculteurs et il ne faudra pas
attendre après la prochaine ronde de négociation de l'OMC pour
régler le problème", d'affirmer M. Pellerin. Il a rappelé
qu'Agriculture Canada prévoit pour 2006 une baisse dramatique
des revenus des producteurs canadiens, soit plus de 50 % par
rapport à 2005 et 81 % par rapport à 2004, alors que les
agriculteurs américains, eux, enregistrent des revenus records.
Pour messieurs Pellerin et Overbeek, les agriculteurs québécois
ne baisseront pas les bras, malgré cette rebuffade, et ils
seront présents, dans les prochaines semaines, pour appuyer les
producteurs ontariens dans leurs moyens de pression. "Nous
sommes plus inquiets que jamais. Nous avons besoin de liquidité
à court terme pour amorcer les semailles et d'un programme de
soutien structurant. Il faudra donc que le gouvernement respecte
ses engagements. Nous allons lui rappeler que, selon les données
de l'OCDE de 2004, les producteurs américains bénéficient d'un
soutien aux revenues agricoles de 454 $US per capita et les
Européens ne sont pas en reste avec 327 $US per capita, alors
qu'ici, nous devons nous débrouiller avec un maigre 181 $US per
capita. C'est nettement insuffisant." |