Brussels, Belgium
July 19, 2004
Conseil
Agriculture
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Je tiens à remercier la
Présidence néerlandaise d’avoir inscrit la recherche comme un
point à l’ordre du jour de votre réunion.
Je concentrerai mon intervention
sur trois points :
-
L’importance de la recherche pour le secteur agricole ;
-
Le besoin de bien organiser la recherche à l’échelle
européenne ;
-
Le rôle
que les ministres de l’agriculture peuvent y jouer.
La recherche pour l’agriculture
Un effort plus important et plus
cohérent de recherche et de développement technologique devient
impératif si l’Europe veut soutenir sa prospérité à l’avenir.
Des études de l’OCDE montrent que
jusqu’à 50% de la croissance économique provient
d’investissements en recherche et en développement.
Ce n’est pas différent pour le
secteur de l’agriculture qui doit répondre aux attentes
grandissantes des citoyens et à des défis de plus en plus aigus.
Les citoyens exigent une
alimentation de meilleure qualité, plus saine, plus sûre et plus
respectueuse de l’environnement. Ils veulent connaître l’origine
de ce qu’ils mangent et choisir leur nourriture en toute
connaissance de cause.
Le concept de développement
durable s’impose plus que jamais.
Il introduit de
nouvelles exigences en matière de protection de l’environnement,
de gestion des ressources biologiques et de développement dans
les zones rurales et côtières.
La perspective de raréfaction des
ressources pétrolières appelle à une diversification des
productions dans les domaines non alimentaires, les
biocarburants et la chimie verte.
La mondialisation et l’ouverture
progressive du marché agricole européen entraîneront une
concurrence plus forte, qui ne peut être rencontrée que par des
produits et des façons de travailler à plus forte valeur
ajoutée.
Les mesures prises dans le cadre
de la politique agricole doivent se baser sur une expertise
scientifique solide et, dans la mesure du possible,
indiscutable. A titre d’exemple, je me réfère à la réforme de la
politique commune de la pêche, adoptée en décembre 2002. Un
autre exemple parlant sont les mesures prises depuis 1996 dans
le cadre des maladies de la vache folle.
Le développement d’une
« agriculture raisonnée » répondant à ces attentes et à ces
défis requerra un investissement plus conséquent et plus
cohérent en recherche et en innovation.
Nous sommes d’ailleurs à un
moment opportun pour faire un saut important dans ce sens :
-
La réforme
de la politique agricole commune va entraîner des changements
importants en matière d’octroi des subventions et offrir la
possibilité aux agriculteurs d’adapter leur production de
manière plus rapide aux évolutions des marchés.
-
L’élargissement a fait doubler le pourcentage de la population
active employée dans le secteur agricole (de 4% à 8% de la
population active) et entraînera une modernisation accélérée
des systèmes de production agricole dans les nouveaux Etats
Membres, ainsi qu’un besoin de développement de nouvelles
activités dans certaines zones rurales fragilisées.
-
Les
avancées scientifiques récentes dans des domaines tels que la
génomique, la microbiologie, les biocapteurs ou la nutrition
ouvrent des perspectives nouvelles pour le développement de
nouveaux produits ou l’amélioration des systèmes de
production, même si elles suscitent parfois des
incompréhensions, voire des appréhensions, dans la société.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que la Commission a présenté
en janvier 2002 une stratégie européenne et un plan d’action
pour les sciences de la vie et la biotechnologie.
La dimension européenne
de la recherche
L’Europe a une excellence
scientifique de classe mondiale, mais elle ne la valorise pas
suffisamment.
Nous risquons même une érosion
progressive de notre excellence scientifique :
-
Nous
investissons trop peu dans la recherche (2% du PIB contre 2,8%
aux USA et plus de 3% au Japon).
-
Nous
souffrons d’une fragmentation des investissements et des
efforts de recherche qui empêchent la mobilisation de masses
critiques de ressources et de (1)compétences.
-
Nous ne
transformons pas assez les résultats de la recherche en
produits et services commerciaux.
Ce diagnostic vaut aussi pour la
recherche agronomique, qui reste très fragmentée en Europe.
Les différentes disciplines qui
entrent en jeu sont trop cloisonnées et les entités de recherche
ne peuvent pas toujours compter sur les autorités régionales
dont elles dépendent pour valoriser et étendre leurs activités
au-delà des limites régionales.
Ainsi, la recherche agronomique
n’est pas articulée de manière stratégique aux différents
niveaux de compétence : local, régional, national et européen.
C’est dans ce contexte que la
Commission œuvre, avec les Etats Membres et les autres acteurs
de la recherche, à la réalisation d’un véritable espace européen
de recherche. Il s’agit de créer un marché intérieur de la
recherche et de la technologie où les connaissances, les
technologies et les chercheurs circulent librement par-delà les
frontières et où les autorités publiques à tous les niveaux
coordonnent leur politique de recherche.
Le résultat devrait être une
meilleure allocation des ressources, mais aussi un renforcement
de l’excellence scientifique, grâce à davantage de coopération
et plus de compétition.
La recherche agronomique s’y est
tout de suite mobilisée. Ainsi, en 2000, une conférence s’est
tenue à Versailles, à l’initiative d’EURAGRI, sur la mise en
place d’un espace européen pour la recherche agronomique. En
septembre 2001, le Commissaire Fischler et moi-même avons
participé à un workshop d’EURAGRI sur ce thème.
Nous avons re-conçu le 6ième
Programme Cadre de Recherche pour qu’il agisse, pas comme un
simple instrument de financement de la recherche, mais comme un
outil à la réalisation de l’espace européen de recherche. Le
Programme Cadre, avec un budget annuel de près de € 5 milliards,
ne représente que 5% des dépenses publiques de recherche en
Europe.
Nous avons réduit le nombre des
sujets couverts et nous avons développé de nouveaux instruments
de financement de la recherche, ayant un impact plus
structurant.
Plus de € 800 millions vont
soutenir la recherche agronomique, piscicole, aquacole et
alimentaire sous différentes formes :
-
De grands
projets ambitieux, mobilisant une masse critique de ressources
et de compétences sur des défis de dimension européenne. Dans
la seule priorité « Qualité et sûreté alimentaire, la DG
Recherche vient de conclure des contrats pour 24 grands
projets, rassemblant plusieurs dizaines d’équipes de recherche
avec un financement moyen de € 13 millions par projet. Je
citerais, à titre d’exemple, le soutien pour un nouveau réseau
qui réunit les meilleurs chercheurs du monde dans le domaine
des maladies de prions.
-
Des
activités de recherche en appui aux politiques communautaires,
dont une part importante est consacrée aux politiques de la
pêche, de l’agriculture et du développement rural. Parmi les
thèmes retenus figurent, par exemple, l’effet des accords
commerciaux agricoles dans la zone méditerranéenne à l’horizon
2010, le plan d’action européen pour l’agriculture et
l’alimentation biologique, la sélectivité des engins de pêche.
-
La
coordination des programmes nationaux et régionaux de
recherche par des actions ERANET. ERANET vise à soutenir la
mise en réseau et la coordination des programmes de recherche
et s’adresse aux gestionnaires de programmes de recherche et
d’innovation nationaux et régionaux, plutôt qu’aux chercheurs.
Le succès des actions ERANET
témoigne de l’intérêt et de la mobilisation pour la coordination
de nos efforts de recherche en Europe.
L’action ERA-NET en matière de
génomique des plantes, qui reçoit une contribution européenne de
2,2 millions €, est particulièrement significative des attentes
inhérentes à ce type d’instrument. Elle assure une coordination
grâce à des moyens d’échange systématique d’informations et de
bonnes pratiques, et de mise en œuvre d’activités conjointes (un
site web, une base de données d’experts commune, des actions de
benchmarking), ou encore un échange de gestionnaires de
programmes).
Je suis personnellement d’avis
qu’une telle approche pourrait utilement être appliquée à
d’autres domaines, tel que celui de la génomique animale, qui
offre une importante contribution à la fois au développement
d’une agriculture durable et à la santé humaine (alimentation
plus saine, production de médicaments).
En septembre dernier, la
Commission a organisé un séminaire sur l’avenir de la recherche
européenne dans le domaine de la génomique animale, en mettant
non seulement l’accent sur les activités menées au sein des
programmes-cadres successifs, mais également sur les besoins
exprimés par l’industrie du bétail et sur les points forts de la
communauté de recherche européenne.
De même, dans le domaine de
l’halieutique et de l’aquaculture existe une longue tradition de
coopération entre les principaux instituts de recherche en
Europe au travers du réseau EFARO (European Fisheries and
Aquaculture Research Organisations). Des initiatives récentes
ont été prises pour accroître la coordination des programmes
nationaux de recherche aboutissant à la préparation d’une
proposition d’ERA-NET « Fisheries ».
Le rôle des ministres de
l’agriculture
Mesdames et Messieurs les
Ministres,
Le développement d’une
« agriculture raisonnée et innovante » est un enjeu majeur pour
l’Europe.
Il passe, aussi, par la création
d’un espace européen de la recherche agronomique.
Les ministres de l’agriculture
ont un rôle très important pour réaliser cet objectif.
Il se réalisera d’autant plus
facilement s’il peut compter sur le soutien et la contribution
des ministres de l’agriculture.
Cette contribution peut se situer
à plusieurs niveaux :
-
Par un
effort de sensibilisation dans le secteur de l’agriculture à
l’importance de la recherche et du développement
technologique.
-
Par une
approche systématique dans la politique agricole d’incitation
à l’innovation et au transfert technologique.
-
Par un
encouragement continu à l’investissement dans la recherche et
à la coordination des efforts de recherche à l’échelle
européenne.
Je voudrais conclure en attirant
votre attention sur trois développements concrets qui appellent
une attention particulière de votre part.
-
Nous
lançons actuellement des plates formes technologiques, de
véritables partenariats privés – publics, dans des domaines
technologiques-clés pour notre avenir. Un bon exemple est la
plate forme sur la génomique et la biotechnologie des plantes,
lancée le 25 juin dernier. D’autres plates formes sont en
cours de préparation dans des secteurs tels que les
biotechnologies industrielles (utilisant le potentiel du
vivant en matière de fermentation et de bioconversion) ou
encore les matériaux renouvelables à partir des ressources
forestières (bois, papier). Dans le cadre de ces plates
formes, les secteurs privés et publics à différents niveaux
définissent et mettent en œuvre conjointement un agenda de
recherche stratégique.
-
Un autre
élément important de coordination dans la recherche
agronomique est le Comité permanent pour la recherche
agronomique, le CPRA. En accord avec Franz Fischler, la DG
Recherche s’apprête à accueillir et à animer le CPRA. Je
souhaiterais que ce comité, mis en place depuis 1974, puisse
retrouver, avec votre soutien politique, un rôle majeur de
coordination des efforts de recherche. Je me félicite de
l’initiative de la présidence néerlandaise d’avoir circulé un
questionnaire pour en tirer des recommandations sur le rôle du
CPRA.
-
Sur base
des expériences acquises, des besoins existants et du
potentiel à exploiter, la Commission européenne a proposé de
doubler les budgets de recherche dans les prochaines
perspectives financières. Elle a proposé de concentrer ces
moyens sur 6 axes principaux qui présentent une valeur ajoutée
européenne indéniable :
-
La
création de pôles d’excellence européens sur la base de la
mise en réseau ;
-
La mise
en place de vastes initiatives technologiques sur base
d’agendas stratégiques établis par des plates formes
technologiques publiques - privées;
-
Le
soutien à la recherche fondamentale par la compétition entre
équipes au niveau européen ;
-
Le
renforcement des ressources humaines ;
-
Le développement
d’infrastructures de recherche d’intérêt européen ;
-
La
coordination des programmes nationaux et régionaux de
recherche.
Ceci est un moment très opportun
pour une réflexion et un engagement de la part des ministres de
l’agriculture en faveur du développement d’une économie du
vivant durable et basée sur la connaissance.
Une économie du vivant capable de
mobiliser un nombre important d’acteurs autour de trois piliers
complémentaires :
-
La gestion
durable des ressources biologiques (végétales, animales,
marines, forestières).
-
L’amélioration de la qualité et de la sûreté alimentaire (de
la fourchette à la fourche).
-
La
valorisation non alimentaire des productions agricoles et
halieutiques (biocarburants, biomatériaux).
Pour terminer, j’aimerais
remercier encore une fois la présidence néerlandaise de m’avoir
offert cette occasion d’exposer la politique européenne de la
recherche. J’espère que notre discussion aujourd’hui pourra
lancer un processus de coopération intense entre la recherche et
l’agriculture. Elles pourront y gagner toutes les deux.
Je vous remercie de votre
attention.
(1) EURAGRI
est le réseau européen des directeurs de la recherche
agronomique dans les ministères et les établissements nationaux
et régionaux. |