Paris, France
August 5, 2009
Chez MiMe, une lignée
d'Arabidopsis thaliana obtenue par des chercheurs de l'INRA,
la mitose (division cellulaire donnant naissance à deux cellules
filles identiques à celle d'origine) remplace la méiose
(division cellulaire à l'origine des cellules reproductrices et
créatrice d'un brassage génétique). Pour remplacer la méiose par
une mitose et générer des gamètes porteurs d'une information
génétique identique à celle de la plante mère, les chercheurs de
l'INRA ont obtenu des plantes modifiées pour trois caractères :
la recombinaison (échange de matériel génétique entre les paires
de chromosomes), la ségrégation des chromosomes (séparation des
paires de chromosomes), et la présence en méiose d'une seconde
division cellulaire. L'obtention de la lignée MiMe est une
avancée majeure vers la reproduction clonale par graines
(apomixie), technologie potentiellement révolutionnaire pour
l'amélioration des plantes.
Qu'est-ce que l'apomixie ?
L'apomixie est un mode de reproduction particulier observé chez
plus de 400 espèces de plantes sauvages. Les descendants d'une
plante qui se reproduit par apomixie sont génétiquement
identiques à la plante mère. Au contraire, des descendants
obtenus par reproduction sexuée portent chacun une information
génétique originale, mélange d'une partie du génome de leur père
et d'une partie du génome de leur mère. La quasi-totalité des
plantes cultivées produisent des graines via la reproduction
sexuée, et non par apomixie. Reproduire par apomixie une espèce
cultivée serait un moyen extrêmement efficace d'obtention et de
propagation de nouvelles variétés élites, répondant aux attentes
des consommateurs et des producteurs. En effet, les plantes les
plus intéressantes, qui combinent un grand nombre de caractères,
sont très souvent de composition génétique complexe. Leur
descendance, du fait de la reproduction sexuée qui mélange
l'information génétique à chaque génération, ne conserve pas les
caractères recherchés. La descendance de ces même plantes,
obtenue par apomixie, conserverait au contraire ces
caractéristiques et pourrait être reproduite et distribuée à
l'infini. Bien que l'enjeu agronomique et économique soit
considérable, l'apomixie n'a pas encore pu être introduite chez
les espèces d'intérêt agronomique majeur.
MiMe, une lignée fertile où une mitose remplace la méiose
Une des trois composantes majeures de l'apomixie est l'apoméiose
(Mitose remplaçant la Méiose). L'équipe de Raphaël Mercier a pu
induire l'apoméiose chez une espèce sexuée grâce à la
caractérisation d'un nouveau gène, nommé OSD1 (pour "omission of
second division "). Les chercheurs ont constaté que les
descendants de plantes osd1 (mutées dans le gène OSD1) portaient
dans leurs cellules les chromosomes en quatre exemplaires (4n,
tétraploïde) au lieu de deux (2n, diploïde). Ce phénomène est dû
à la constitution inhabituelle des cellules sexuelles (gamètes :
grains de pollen et ovules) des plantes osd1. Celles-ci sont
diploïdes (2n) alors que normalement les gamètes ne possèdent
qu'une copie de chaque chromosome (n). La rencontre de deux
gamètes osd1 lors de la fécondation génère donc un individu
tétraploïde (2n+2n=4n) au lieu de diploïde (n+n=2n).
L'observation de la méiose, la division cellulaire à l'origine
des gamètes, a permis d'identifier l'origine de la nature
diploïde des gamètes osd1. Normalement, les gamètes à n
chromosomes sont issus de cellules mères à 2n chromosomes qui,
lors de la méiose, subissent un doublement puis deux séparations
successives des chromosomes. Chez osd1, la seconde séparation
des chromosomes n'a pas lieu, générant des gamètes 2n.
Une méiose incomplète est donc à l'origine de formation de
gamètes 2n chez les plantes osd1. Cependant, il ne s'agit pas
d'apoméiose car la première division de méiose diffère d'une
mitose sur deux points, la présence de recombinaison et le mode
de distribution des chromosomes dans les cellules filles. Les
chercheurs ont alors tiré parti de deux mutations déjà connues
pour inhiber la recombinaison et modifier le mode de
distribution des chromosomes lors de la méiose. En les combinant
avec la mutation osd1 dans une même plante ils ont créé le
triple mutant MiMe chez qui la méiose est remplacée par une
mitose (Mitosis instead of Meiosis). Cette lignée fertile
produit des gamètes diploïdes et génétiquement parfaitement
identiques à la plante mère (apoméiose).
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De
gauche à droite, produits de la méiose chez la plante
sauvage et chez MiMe |
MiMe, une avancée majeure vers
l'apomixie
Le remplacement de la méiose par une mitose, obtenue ici dans la
lignée MiMe, est l'une des trois composantes essentielles de
l'apomixie, les deux autres composantes étant le développement
sans fécondation de l'albumen (un tissu nourricier de l'embryon)
et de l'embryon (parthénogénèse). Des mutants qui développent
l'albumen spontanément ont été isolés chez Arabidopsis il y a
déjà plus d'une décennie. L'apomixie n'a pas encore été
introduite dans une plante sexuée, mais nous n'en avons jamais
été aussi proches. Ces résultats font l'objet d'un brevet INRA
et des projets de recherche sont en cours à l'INRA de Versailles
sur la plante modèle Arabidopsis thaliana et sur des plantes
cultivées.
Référence
Turning Meiosis into Mitosis
PLoS
BIOLOGY, JUIN 2009 (accès libre)
Isabelle d'Erfurth1, Sylvie Jolivet1, Nicole Froger1,
Olivier Catrice2, Maria Novatchkova3 and Raphaël Mercier1
1 INRA. UR254. IJPB. Route de Saint-Cyr. 78026, Versailles.
France
2 CNRS. UPR2355. Avenue de la Terrasse. 91198, Gif sur
Yvette. France
3 Research Institute of Molecular Pathology (IMP), Dr
Bohr-Gasse 7 A-1030 Vienna, Austria
Article repris dans Nature (Nature News 9 juin 20009) et
Science (Editor's choice 26 juin 2009)
Brevet associé :
Plants producing 2N gametes or apomictic gametes
N° EP 09 290 010.9
7 janvier 2009 |
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