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Politiques cotonnières : élargir le champ de vision - Entretien avec Michel Fok, spécialiste des politiques cotonnières au Cirad

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Montpellier, France
July 1, 2008

Contrairement à ce que l’on peut penser, les politiques cotonnières ne se réduisent pas à l’aspect des subventions, mesure qui accapare le débat, mais elles recouvrent un large éventail à la fois de problèmes et de solutions. Une facette de cette diversité vient de s'exprimer lors d’une conférence internationale organisée en mai 2008 au Cirad.

Entretien avec Michel Fok, spécialiste des politiques cotonnières au Cirad.

Quel était l’objectif de la conférence ?

Michel Fok : Le domaine des politiques cotonnières est très vaste, il comporte notamment des mesures de soutien à la production trop souvent perçues sous le seul aspect des subventions. Par ailleurs, cet aspect est appréhendé de façon déconnectée de l’évolution historique des politiques dans chaque pays. Or, il importe, afin de pouvoir juger de l’efficacité d’une politique, de cerner son évolution dans le temps. Selon les producteurs des pays africains, la baisse des prix, qu’ils subissent plus particulièrement et de manière continue depuis 1997, est due aux subventions de quelques pays. Elle a pour conséquence l'effondrement de la compétitivité de leur production. Vendu au prix du marché, le coton africain n'est en effet pas rentable. Pour autant, l'analyse ne peut se limiter à cette explication comme si elle était valable de la même façon pour tous les pays. Il n’y a pas de cause unique aux problèmes, ni de solution miracle. Pour ce qui est de l’Afrique, la réforme destinée à privatiser et libéraliser le secteur agricole en général, et la filière coton en particulier, a accentué les impacts négatifs des subventions de quelques pays. Aussi, notre objectif, au travers de la conférence organisée dans le cadre du projet ISSCRI* de mai 2008,était de révéler la diversité à la fois géographique et historique des politiques cotonnières.

Pouvez-vous donner quelques exemples de cette diversité ?

La Syrie, par exemple, est passée d’un mode de contrôle absolu par l’Etat à une situation où le contrôle persiste mais en laissant fonctionner les forces du marché dans des domaines particuliers. C'est le cas notamment pour la commercialisation du coton-graine dans certaines zones. En revanche, l’Etat syrien ne subventionne la production cotonnière que dans les zones où les ressources hydriques sont suffisantes. Il est en cela le seul pays à mettre en œuvre une politique agricole tenant compte d'une ressource naturelle essentielle, l'eau. La Chine, de son côté, a dû faire table rase de toute subvention pour ne pas risquer de se voir refuser le droit d’entrer à l’OMC, à la fin des années 1990. Mais depuis janvier 2007, elle a mis en place une politique de subvention ciblée sur l’achat des semences de qualité. Au Paraguay, comme en Ouganda d’ailleurs, on pensait que la libéralisation du marché permettrait de facto de fournir les semences aux paysans. Cela n’a pas été le cas et l’Etat a dû mettre en place un fonds destiné à l’importation des semences manquantes. Pour ce qui est du Brésil, le pays se targuait d'être vierge de toute mesure de subvention et a provoqué la condamnation des Etats-Unis par l’Organe de règlement des différends de l’OMC. Mais le Brésil a finalement mis en œuvre, en 2007, deux fonds subventionnels. Le premier est destiné à compenser la dépréciation du dollar ; le second vise à alléger les frais de transport trop élevés des Etats enclavés du pays, leur permettant ainsi d’exporter leurs produits agricoles.

Y a-t-il des cas où intervention de l’Etat ne rime pas forcément avec subvention ?

Bien sûr, les subventions ne sont qu’une partie du soutien que les Etats fournissent à leurs producteurs. Que l'Etat assume son rôle dans le domaine du contrôle et de la régulation est déjà un soutien important voire primordial ! L’Inde s'est illustrée dans ce domaine sous diverses formes. L'Etat indien a réussi à imposer en 2006 une diminution de moitié du prix des semences transgéniques de coton. En 2007, il a catégorisé les semences de coton comme « commodité essentielle » pour justifier l'intervention du gouvernement afin de prévenir la pratique de prix abusifs. Plus récemment, il a mis en examen des banques et leurs agents chargés de récupérer les traites des paysans, jugeant les pratiques excessives et responsables du suicide des paysans endettés. Au risque de choquer les adorateurs du libéralisme, le cas de l’Afrique francophone avant la réforme des filières coton reste, pour moi, un cas de succès de soutien à l'intensification sans forcément mise en œuvre de subvention. Le système intégré permettait de centraliser l’acquisition et la distribution des intrants ainsi que la commercialisation du coton-graine. Les mécanismes de fixation du prix des intrants et du prix d'achat du coton-graine étaient liés. Cette liaison permettait de céder aux paysans les intrants à un prix inférieur au coût réel. La différence était cependant intégrée dans le calcul du prix d'achat aux producteurs, donc en grande partie payée en définitive par ces derniers à la vente du coton-graine. Dans ce processus, il n'y avait pas de subvention et le système avait longtemps fonctionné dans certains pays sans injection financière d'un acteur extérieur à la filière.

Pensez-vous qu’un retour à ce type de système pourrait rendre plus efficaces les politiques cotonnières ?

Non, mais il faut s’en inspirer. L’aspect intéressant de ce type de politique est la coopération qui peut exister entre les différents acteurs de la filière dans un domaine aussi essentiel qu'est le prix des intrants et du coton produit par les paysans. On peut considérer qu'en général, pour être efficace, une politique agricole doit permettre d'induire une forme de coopération au sein de laquelle les règles du jeu sont acceptées et respectées par les parties. Nulle politique ne peut cependant être parfaitement efficace d'emblée. Sa mise en œuvre se doit d’être progressive et les amendements nécessaires doivent y être portés. Cette coopération peut prendre la forme d’une recherche financée dans la durée ou de nouveaux mécanismes de prix impliquant un partage des coûts et des gains. Par ailleurs, il est utile de rappeler que l’OMC n’interdit pas toutes les formes de subvention ou de soutien à l’agriculture. Et si elle interdit, c’est avec des limites. Actuellement, l'un des objectifs du cycle de Doha concerne une réduction des subventions mais pas leur suppression. De manière étonnante, tous les pays cotonniers en Afrique ont été amenés à devancer et à aller au-delà de cet objectif…

* Le colloque international « Justifications et évolutions des politiques cotonnières » a été organisé dans le cadre du projet européen ISSCRI (Integrating social science research into cotton reform implementation) dont l’objectif est de promouvoir une approche participative et scientifique dans l'ajustement de la réforme de la politique agricole commune européenne, dans le respect de ses engagements internationaux tant à l'OMC que vis-à-vis des pays en développement. Le projet est coordonné par le Cirad et exécuté en partenariat avec l’université Aristote de Thessalonique (Grèce) et l’Institut de recherche et de formation agricole et piscicole d'Andalousie (Espagne).
 

 

 

 

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