France
March 7, 2007
Adapter les pratiques agricoles
permettrait, en particulier pour les cultures annuelles, de
tirer parti du changement climatique. Pour analyser les
interactions entre climat, cultures et pratiques, les chercheurs
de l'INRA ont développé le
modèle STICS. Cet outil révèle par exemple que d'ici 2099, on
pourrait voir doubler en Lorraine les rendements du maïs, à
condition toutefois de pouvoir satisfaire ses besoins en eau et
en azote. Les chiffres issus des simulations se basent sur les
projections climatiques établies par le Groupement International
d'Experts en Climatologie (GIEC). Les résultats des simulations
nous enseignent que les pratiques agricoles constituent un
paramètre clé pour préparer l'agriculture de demain.
Le rôle des pratiques affirmé au fil du temps
Jusqu'au milieu du XIXème siècle, les aléas climatiques ont
piloté les rendements, aux aléas sanitaires près (mildiou,
phylloxéra, doryphores). Puis, l'utilisation d'engrais naturels
à partir de 1860 (guano, salpêtre), mais surtout d'engrais de
synthèse, massive après la seconde guerre mondiale, a rendu
l'agriculture davantage dépendante des pratiques. L'amélioration
variétale, les protections phytosanitaires et le recours à
l'irrigation ont également accompagné cette mutation. A un
climat stationnaire, ont succédé dans les années 90 les premiers
signes du réchauffement climatique. Les chercheurs de l'INRA
perçoivent depuis une quinzaine d'années l'évolution de la
précocité du développement des végétaux (grandes cultures,
vignes, etc.). Les connaissances sur la réponse des cultures au
climat, enrichies des données recueillies sur les sites
expérimentaux leur ont permis de développer depuis 1996 l'outil
de modélisation " STICS "1. Parallèlement les agriculteurs se
sont déjà adaptés, en avançant par exemple progressivement
depuis 20 ans les dates de semis du maïs. Jusqu'où devront-ils
s'adapter pour maintenir leurs rendements agricoles face aux
changements climatiques ?
Plasticité des cultures annuelles
Les chercheurs de l'INRA ont
travaillé à partir d'un scénario réaliste pour les systèmes de
culture céréalière. Ils ont étudié une rotation simple
quadriennale (maïs, maïs, maïs, blé) sur trente ans, en partant
des pratiques actuelles de la région du plateau lorrain. Ils ont
modélisé deux périodes de référence 1961-1990 et 2070-2099. Pour
cette dernière, le taux de gaz carbonique (CO2) est doublé par
rapport à aujourd'hui, conformément aux prédictions du GIEC,
provoquant une hausse moyenne des températures de 4 °C. Les
résultats montrent des réponses opposées pour le maïs et le blé,
liées à leur phénologie2. Ainsi, la durée du cycle total est
allongée dans le cas du maïs, en limite de son aire de culture
dans cette région actuellement. Il gagne en particulier sur la
période de remplissage de ses grains, qui passe de trois à
quatre mois. A l'inverse, le rendement du blé baisse, car la
date de sa récolte est avancée de quinze jours, et sa qualité
aussi car les besoins en azote pour sa croissance sont plus
grands. Pour le blé, l'étude de l'adaptation des pratiques
montre que la période favorable au semis devrait être allongée
tandis que celle pour le second apport d'azote serait plus
courte et avancée. Dans cette perspective, l'augmentation des
besoins de la plante en azote, nécessaire à son fonctionnement,
devrait également être pris en compte. Les deux cultures ont en
effet nettement plus de mal à satisfaire ces besoins, augmentés
par la forte teneur en CO2 de l'atmosphère. L'apport en azote
est ainsi identifié comme facteur limitant du réchauffement,
tout comme l'eau.
Impact du changement climatique sur une culture pérenne : la
vigne
Si l'on projette le même scénario climatique de la période 2070
- 2099 sur une culture pérenne comme la vigne, l'ensemble du
cycle est décalé. En particulier, la période de maturation du
raisin (entre la floraison et les vendanges) est avancée et
raccourcie. Il est alors exposé à la variabilité climatique,
autre caractéristique du réchauffement et surtout aux
températures nocturnes pouvant jouer négativement sur la
qualité, quelle que soit la typicité des vins. Cela s'explique
par une avancée de la véraison (moment où les baies changent de
couleur) en juillet, période la plus chaude de l'année, alors
qu'elle a actuellement lieu en août. Or les conditions de
température qui accompagnent cette étape sont décisives pour les
futurs composés aromatiques du vin. Il faudra donc composer à
l'avenir avec des vins au goût nouveau ou chercher des voies
d'adaptation : la résistance de certains cépages à la sécheresse
ou aux températures élevées, l'utilisation d'anciens cépages ou
la création de nouveaux cépages et lorsque c'est possible, la
remontée du vignoble en altitude.
CLIMATOR : étudier le changement climatique sur les
agrosystèmes
Le projet CLIMATOR, coordonné par l’INRA, a pour but d’élaborer
des outils et des références pour analyser la vulnérabilité des
agrosystèmes face au changement climatique. L’adaptation des
systèmes (cultures, prairies, forêts) et des pratiques (semis,
irrigation, fertilisation, choix variétaux…) aux climats futurs
y sera en particulier étudiée. L’intérêt d’un tel projet est né
de travaux plus spécifiques, notamment sur le tassement des
terres produit par les engins agricoles. Ils génèrent en effet
des ornières remplies d’eau, qui asphyxient les graines, gênent
l’enracinement des plantes et favorisent la volatilisation de
l’azote. Sélectionné par l’Agence nationale de la recherche
(ANR), ce projet fait partie du programme « Vulnérabilité :
climat et milieux ». Réunissant 17 partenaires de 2007 à 2010,
il s’appuiera sur dix des sites expérimentaux de l’INRA, qui
bénéficient de 30 ans de mesures climatiques.
1
http://www.avignon.inra.fr/stics/vac/
2 Influence des variations climatiques sur les phénomènes
périodiques de la vie des plantes : germination, floraison... |
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