France
February 27, 2007
Source:
INRA
Dossier SIA - Carbone renouvelable et énergie verte
Le développement de cultures non alimentaires pour produire de
l’énergie est non seulement un enjeu de compétitivité mais aussi
un moteur des dynamiques territoriales. En effet, il faut
adapter les systèmes de culture, de collecte et de
transformation des produits agricoles et ces changements
nécessitent une coordination dans l’organisation du territoire.
Les chercheurs de l’INRA conduisent des travaux prospectifs pour
analyser, selon différents scénarios, l’ensemble des
conséquences du développement des cultures énergétiques et
dégagent des pistes de recherche.
Adapter les systèmes de culture
Dès lors que l’on s’intéresse à
des critères de qualité nouveaux, les modes de production
agricoles doivent être adaptés.
L’INRA a mis au point à la fin des années 90 des techniques de
culture spécifiques pour le blé destiné à produire du
bioéthanol. Ces techniques tiennent compte de l’extractibilité
de l’amidon du grain, de la teneur en protéines des tiges
permettant leur utilisation en alimentation du bétail, de
l’optimisation du bilan énergétique, tout en cherchant à
minimiser le coût de production du litre de biocarburant.
L’itinéraire cultural proposé diffère de celui du blé panifiable
par le choix de la variété, une réduction de 40 à 50% des
engrais azotés et de 30% des semences et par la suppression des
traitements fongicides et régulateurs de croissance. On réduit
ainsi fortement les nuisances dues aux pesticides et le coût de
production du quintal de grain. Cet itinéraire technique «
optimisé » a été élaboré grâce à l’utilisation d’un modèle
informatique, BETHA, qui permet de répondre à un cahier des
charges complexe, intégrant objectifs économiques et
environnementaux.
Un travail analogue reste à faire pour d’autres cultures et
d’autres débouchés. Comme pour le blé, il sera nécessaire de
recourir à la modélisation, car elle permet de tester rapidement
et à peu de frais des solutions techniques très diverses, avec
leurs conséquences sur la production, la qualité et
l’environnement.
Préserver la biodiversité cultivée et sauvage
Les débouchés non alimentaires de
l’agriculture offrent une opportunité de diversifier les espèces
cultivées. Cette diversification sera bienvenue, car la
spécialisation régionale actuelle favorise le développement des
adventices et parasites des cultures (donc l’usage des
pesticides) et réduit les habitats pour la faune sauvage.
En ce qui concerne les biocarburants, seul le développement des
filières ligno-cellulosiques, fondées sur la luzerne, le sorgho,
le miscanthus ou les taillis à courte rotation, permettra une
diversification des assolements. En attendant que ces filières
se développent, on peut craindre d’assister à un accroissement
des surfaces en céréales et oléagineux dans des régions déjà
spécialisées.
En particulier, les sous-produits de la fabrication de
biocarburant à partir de céréales et oléagineux, tels que les
tourteaux de colza ou les drèches de céréales, pourraient
contribuer à faire disparaître du paysage agricole le pois
protéagineux, qui occupe en partie le même créneau en
alimentation animale. Le pois protéagineux possède en effet un
grand intérêt agronomique et environnemental, de par sa capacité
à fixer l’azote atmosphérique. La fabrication de l’engrais azoté
coûtant de l’énergie fossile, la présence du pois dans la
rotation permet d’améliorer le bilan énergétique et de réduire
l’émission de gaz à effet de serre.
La mise au point des procédés de transformation de la
lignocellulose en biocarburant, qui prendra quelques années,
nous offre un délai qui devra être mis à profit pour intégrer
les impacts écologiques des cultures énergétiques dans la
planification des implantations industrielles. Par exemple, des
usines de taille importante et spécialisées sur un seul produit
génèreront des monocultures dans leurs environs. La polyvalence
des usines, leur taille, leur répartition géographique seront
des paramètres essentiels de l’impact des biocarburants sur la
biodiversité. Il faudra sans doute également veiller à ce que
les petites forêts, qui abritent aujourd’hui des espèces
végétales et animales très diversifiées ne soient pas
remplacées, après exploitation de leur biomasse, par des forêts
monospécifiques à forte vitesse de croissance.
A l’interface entre économie, agronomie et écologie, il y a donc
une réflexion à mener pour organiser les bassins de production
tout en préservant la biodiversité.
Organiser la coexistence des filières sur le territoire
agricole
La diversification des usages non
alimentaires pourrait entraîner la multiplication dans les
paysages de variétés d’une même espèce, dédiées à des filières
différentes. En effet, on parle aujourd’hui de sélection de
variétés spécifiques pour la production énergétique. Cette
cohabitation entraîne des risques de contamination des récoltes,
soit par des fécondations croisées, soit par des repousses. Il y
a aussi des risques de mélange lors de la collecte ou dans les
silos.
Tout dépendra des seuils de contamination ou de mélange tolérés
par les normes de qualité sanitaire et les marchés. Une fois ces
seuils fixés, on pourra recourir à la modélisation pour calculer
les distances nécessaires entre parcelles, définir les dates de
semis pour décaler les floraisons entre champs voisins, ou les
techniques pour maîtriser les repousses. Des modèles combinant
spatialisation des systèmes de culture et simulation des
échanges génétiques entre parcelles (et bordures) existent
d’ores et déjà pour le colza et le maïs, et sont en cours de
conception pour d’autres espèces.
Gérer les dynamiques territoriales
On voit que le développement des
cultures pour la production de biocarburants devrait marquer les
territoires. L’INRA est très attentif à ces dynamiques
territoriales, et à leur diversité, (i) pour identifier les
sources potentielles de tensions et conflits, (ii) pour repérer
les solutions innovantes concoctées localement et qui pourraient
être utiles ailleurs, ou (iii) pour identifier les leviers que
pourraient utiliser les pouvoirs publics en vue d’agir sur ces
dynamiques dans le sens de l’intérêt général.
Parmi les exemples de dynamiques territoriales déjà à l’oeuvre,
on voit émerger des collectifs réunissant des agriculteurs et
souvent leurs voisins non-agriculteurs, organisés autour de la
production locale d’énergie, pour le chauffage collectif ou le
biocarburant. On voit aussi des collectivités locales promouvoir
le développement des bioressources sur leur territoire, en
valorisant de la biomasse, en utilisant des terrains contaminés
par les métaux lourds pour les cultures non alimentaires.
Plus généralement, on a vu ces dernières années émerger des
dispositifs collectifs pour la gestion des paysages incluant
cultures, forêts, parcours et espaces interstitiels où
agriculteurs et autres acteurs du territoire se concertent pour
la ressource en eau ou la protection d’espèces (Fertimieux,
SAGE, Natura2000…). Pourquoi pas pour l’accompagnement du
développement des bio-ressources ? |
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