Paris, France
May 17, 2006Source:
http://www.inra.fr/presse/ignames
Déplacées de leur zone
géographique d’origine, puis progressivement sélectionnées
par l’homme, les ignames sont le plus souvent incapables de
fleurir, donc de se reproduire par voie sexuée. Grâce à des
études sur les variétés présentes aux Antilles, les
chercheurs de l’INRA du centre Antilles-Guyane ont pu
maîtriser la reproduction sexuée de l’espèce Dioscorea alata
et créer de nouveaux hybrides, productifs et résistants aux
maladies. Ces recherches font partie d’un programme qui vise
au développement de nouveaux systèmes de culture d’ignames
aux Antilles et au maintien de la biodiversité des espèces
locales.
La plupart des espèces
d’ignames cultivées aux Antilles sont des espèces exogènes,
c'est-à-dire dont le centre de diversification se trouve
dans d’autres régions du globe, et dont les agriculteurs ont
progressivement maîtrisé la domestication pour la culture
locale. Trois espèces majeures ont été importées aux
Antilles au cours des siècles. L’igname africaine,
Dioscorea cayenensis-rotundata est arrivée aux Antilles
au cours des périodes d’esclavage. Dioscorea alata,
originaire du Sud Est Asiatique, aurait été importée par les
navigateurs portugais et espagnols, sans doute en raison de
ses bonnes aptitudes à la conservation. Enfin, Dioscorea
trifida est une espèce américaine originaire d’Amazonie,
introduite aux Antilles lors migrations des Indiens
d’Amérique du Sud.
Les limites de la sélection
clonale
Les ignames d’origine
asiatique ou africaine ont une longue histoire de
domestication et de transplantation. Même en milieu naturel,
ces ignames ont un faible taux de plants florifères et une
floraison erratique des individus. Elles sont donc propagées
de façon clonale dans les exploitations agricoles, en
plantant des tubercules qui germent et génèrent de nouveaux
plants. L’intensification de la culture de l’igname s’est
accompagnée de problèmes sanitaires tels que l’anthracnose.
Cette maladie, causée par un champignon, a mis en péril la
production d’ignames en s’attaquant notamment à l’espèce
Dioscorea alata, l’igname la plus cultivée dans le
monde.
La plupart des clones cultivés en Guadeloupe étant soit non
florifères, soit stériles, la culture de plants résistants à
l’anthracnose n’a longtemps été possible qu’en introduisant
de nouvelles variétés d’ignames, provenant d’autres zones de
culture. Mais les populations du pathogène s’adaptant
progressivement à leur hôte, les variétés introduites n’ont
pas présenté une résistance durable. Les chercheurs du
centre INRA Antilles-Guyane ont donc mis en place un
programme de création variétale d’ignames capables de
résister à l’anthracnose, en introduisant dans des clones
cultivés en Guadeloupe, des résistances présentes dans des
clones d’ignames du Pacifique.
« Boutou » : une nouvelle
variété hybride
En préalable aux travaux de
création variétale, il a fallu comprendre et lever les
freins à la reproduction sexuée. Les difficultés
d’expression de la floraison étaient liées à des facteurs
trophiques, c'est-à-dire de nourriture des tissus. Cette
contrainte levée, les stérilités observées sur l’igname
étaient soit la non synchronisation de la floraison entre
les plants mâles et femelles, soit une stérilité liée à la
structure génomique des clones.
Les travaux de croisement par pollinisation contrôlée ont
permis d’intégrer des parents fertiles dans un schéma
d’amélioration des plantes, puis d’évaluer des descendants
en fonction de leur résistance à la maladie et de leur
capacité à être cultivés. Ainsi est née Boutou, une nouvelle
variété hybride qui se caractérise par une forte résistance
à l’anthracnose, une production de tubercules abondante et
une végétation importante qui limite le nombre des sarclages
nécessaires. Au total, un portefeuille d’une quinzaine de
variétés résistantes a été constitué, et permet d’apporter
une réponse à court terme aux producteurs. Cependant, il
n’est pas exclu que le même phénomène d’adaptation du
pathogène à l’igname survienne, ce qui reviendrait à une
perte de leur résistance.
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Fleurs mâles et femelles de Dioscorea alata.
©
INRA / Unité Productions Végétales, centre
Antilles-Guyane.
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Pour une stratégie à plus
long terme, de nouvelles variétés présentant des résistances
plus durables sont à l’étude : des travaux sont conduits
pour associer à terme, au sein d’un même hybride, différents
mécanismes de résistance. Pour raccourcir le temps
nécessaire à l’évaluation des descendants, des techniques de
culture in vitro à partir d’embryons immatures et
mises au point par l’INRA, permettent de s’affranchir des
phases de maturation, germination et levée de la plantule.
La réalisation de tests de résistance en conditions
contrôlées sur de jeunes plantes entières issues des
cultures d’embryons permet aussi un gain de temps
considérable dans la phase de sélection. Au sein de la
descendance, des correspondances entre des caractères de
résistance (phénotype) et des marqueurs génétiques sont
recherchés, afin de se doter d’outils de sélection plus
rapides que les méthodes traditionnelles
Préserver la diversité des
ignames indigènes
Au delà de la création de
nouvelles variétés, les chercheurs de l’INRA, en collaboration
avec l’Université Antilles-Guyane, étudient la biodiversité des
ignames sauvages présentes dans les forêts humides des Antilles,
dans une optique de préservation et de valorisation. Ainsi,
l’espèce Dioscorea polygonoides aurait un intérêt
médicinal, notamment pour le traitement du diabète. Quant à
Dioscorea cordata, elle a été très appréciée lors de tests
de dégustation conduits avec un panel de consommateurs
guadeloupéens et sa domestication pourrait être envisagée. Les
recherches se poursuivent pour tenter de préserver au mieux ces
ressources biologiques indigènes. La création d’un Centre de
Ressources Biologiques de plantes tropicales, commun au CIRAD et
à l’INRA, et comportant différentes espèces et clones d’ignames,
devrait permettre de préserver et d’exploiter au mieux la
variabilité génétique existante.
Contact scientifique INRA :
Claudie PAVIS
tél. : 05 90 25 59 20
Claudie.Pavis@antilles.inra.fr
Unité de recherche en Productions végétales, départements «
Santé des plantes et environnement » et « Génétique et
amélioration des plantes », centre INRA Antilles-Guyane. |