Niamey, Niger
March 9, 2006
Les changements climatiques et sociaux affectant le Niger ne
semblent pas avoir provoqué d’érosion génétique récente chez le
sorgho et le mil. C’est ce que révèle une étude à laquelle
participe le Cirad.
La distribution de leurs variétés, voire de leurs
caractéristiques adaptatives ont, en revanche, subi des
modifications.
Le mil et le sorgho sont deux céréales alimentaires majeures
dans la région sahélienne où elles ont été l’objet d’une forte
diversification. Pourtant, ce capital risque de s’appauvrir sous
l’effet des changements anthropiques liés au développement
socio-économique et des changements environnementaux, notamment
climatiques. Alors que peu d’études sur le sujet ont été menées
à grande échelle à l’heure actuelle, le Cirad, avec ses
partenaires, récolte les premiers résultats d’un projet financé
par l’Institut français de la biodiversité (Ifb). L’objectif est
d’évaluer les changements intervenus dans la distribution
spatiale et temporelle de la diversité du mil et sorgho au
Niger, entre 1976 et 2003, soit sur un quart de siècle environ.
Au Niger, les surfaces cultivées et la taille de la population
humaine ont été multipliées par deux en 25 ans. L’exode rural y
est important. En outre, le pays est exposé à un changement
climatique avéré : l’isohyète 400 mm est descendu de 200 km vers
le sud à l’ouest du Niger, et de 100 km à l’est. Les conditions
semblent réunies pour provoquer une érosion génétique des
plantes. Qu’en est-il réellement concernant le mil et le sorgho
?
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont collecté, en
2003, des variétés de mil et de sorgho cultivées dans 79
villages, répartis sur l’ensemble de la zone de culture de ces
céréales. En 1976, 609 échantillons de mil et 742 échantillons
de sorgho avaient été collectés dans ces villages. Les
diversités agro-morphologique et génétique des échantillons
collectés en 1976 et en 2003 ont été comparées au moyen d’essais
au champ et de marqueurs moléculaires microsatellites.
Les résultats montrent que la diversité agromorphologique a peu
évolué à l’échelle du Niger. Néanmoins des modifications sont
apparues au sein de la distribution géographique des variétés.
Elles peuvent s’expliquer par l’évolution des contraintes
climatiques et agronomiques, ou par l’émergence de nouveaux
usages. De plus, les enquêtes et les essais en champ montrent
que les variétés de mil cultivées en 2003, dans les zones du
Niger les plus exposées au risque climatique, sont en moyenne
plus précoces que celles cultivées dans les mêmes régions en
1976.
L’analyse par marqueurs microsatellites révèle, quant à elle,
aussi bien pour les variétés de sorgho que de mil, une forte
résilience de la diversité génétique. Globalement, aucune
érosion génétique n’a été observée et les richesses alléliques
des deux prospections sont du même niveau.
Ces résultats mettent en évidence une forte capacité des
variétés de mil et de sorgho à maintenir leur diversité dans un
pays comme le Niger, objet d’épisodes récurrents et dramatiques
de sécheresse. Cette résilience, entretenue par le système
semencier traditionnel, conforte l’intérêt de leur culture. Ce
type d’étude mériterait d’être réalisé dans d’autres pays
sahéliens comme le Mali ou le Burkina où l’évolution des
systèmes de production en liaison avec la concurrence du maïs et
coton, plus importante qu’au Niger, peut mener à des résultats
différents.
Millets
and sorghums in Niger: genetic diversity is going strong
Climate and social changes in Niger do not seem
to have caused any recent genetic erosion in either sorghum or
millet, as proved by a study involving
CIRAD. However, varietal
distribution and ability to adapt do seem to have been modified.
Millet and
sorghum are major food crops in the Sahel, where they have been
diversified quite considerably. However, the existing capital is
likely to shrink as a result of human activity, in terms of
socioeconomic development and environmental changes,
particularly climate change. While there have been very few
large-scale studies of the issue to date, CIRAD and its partners
are beginning to reap the first results of a project funded by
the Institut français de la biodiversité (IFB). The aim is to
assess the changes in spatial and temporal distribution of
millet and sorghum diversity in Niger between 1976 and 2003, ie
over roughly a quarter of a century.
The areas cultivated and the human population in Niger have
doubled in 25 years. There has also been a significant rural
exodus. Moreover, the country has seen a marked change in its
climate: the 400 mm isohyet has shifted 200 km south in western
Niger and 100 km south in the East. The stage appears to be set
for genetic erosion of plant species, but is this in fact the
case for millet and sorghum?
To answer that question, researchers collected cultivated millet
and sorghum varieties in 2003 from 79 villages throughout the
zones in which these cereals are grown. Some 609 millet samples
and 742 sorghum samples had been taken from the same villages in
1976. The agromorphological and genetic diversity of the samples
collected in 1976 and 2003 was compared through field trials and
using microsatellite molecular markers.
The results showed that agromorphological diversity had not
changed much in Niger. However, there had been changes in the
geographical distribution of the various varieties, perhaps due
to changing climatic and agronomic constraints, or to the
emergence of new uses. Moreover, the surveys and field trials
showed that the millet varieties grown in 2003 in the zones of
Niger most exposed to climatic risks were generally earlier than
those grown in the same regions in 1976.
Analysis by microsatellite markers, for its part, revealed that
the genetic diversity of both sorghum and millet varieties had
held up well. Overall, no genetic erosion was observed and the
allelic wealth of the two surveys was equivalent.
These results show the ability of millet and sorghum varieties
to maintain their diversity in countries like Niger, which are
often victims of recurrent, severe drought. This resilience,
which is boosted by the traditional seed production system,
confirms the merits of growing these crops. It would be worth
conducting similar studies in other Sahelian countries such
as Mali or Burkina Faso, where the changes in production
systems, compounded by stronger competition from maize and
cotton than in Niger, could produce different results. |