Paris, France
May 30, 2006
INRA-CNRS
Les cultures de maïs
transgénique produisant des toxines de Bacillus
thuringiensis (Bt), ont pour cible principale un papillon,
la pyrale du maïs. Ces cultures impliquent une surveillance
de l'apparition éventuelle d'insectes résistants à la toxine
Bt. La stratégie haute dose-refuge (HDR), obligatoire aux
Etats-Unis et en discussion en Europe, a pour but d'éviter
l'apparition de cette résistance, en favorisant le brassage
génétique chez les insectes. Des chercheurs1 de
l'INRA et d'un laboratoire
CNRS-Université Toulouse III ont étudié l'accouplement et la
dispersion des pyrales. Ils montrent que certaines
s'accouplent avant la dispersion, à une échelle très locale.
Le brassage génétique est alors plus restreint qu'attendu,
ce qui pourrait réduire l'efficacité de la stratégie HDR
dans certaines circonstances. Ces résultats sont publiés
dans la revue "PLoS Biology" du 30 mai 2006.
Les cultures
génétiquement modifiées de maïs produisant des toxines de
Bacillus thuringiensis - ou cultures " Bt " - sont de plus
en plus cultivées à l'échelle mondiale. Ces toxines, produites
dans les tissus de la plante, les protègent contre les insectes
qui s'en nourrissent. Ces mêmes toxines, cette fois produites
directement par le B. thuringiensis et non par une plante, sont
aussi utilisées comme insecticides conventionnels et figurent
dans la liste des insecticides autorisés en agriculture
biologique. L'utilisation des cultures Bt à grande échelle
risque d'entraîner la sélection de résistances chez les
insectes, ce qui rendrait à terme, ces cultures transgéniques,
et plus généralement l'usage de ces toxines, inefficaces.
La mise en place
d'une stratégie haute dose-refuge (HDR) dont le but est d'éviter
ou de retarder dans le temps l'apparition de ces résistances,
est obligatoire aux Etats-Unis et en discussion en Europe. La
stratégie HDR demande, notamment, une cohabitation entre les
parcelles de cultures Bt et de cultures conventionnelles
exemptes de toxines de Bt - dites " zones refuges ". Les
parcelles des deux types doivent être suffisamment proches pour
assurer le brassage génétique entre les insectes résistants -
qui seraient éventuellement sélectionnés dans les parcelles de
cultures Bt - et les insectes sensibles - préservés dans les
zones refuges. Bien entendu, ce brassage dépend aussi des
capacités de dispersion des insectes et de l'ordre chronologique
dans lequel se déroulent l'accouplement et la dispersion.
La pyrale du maïs
(Ostrinia nubilalis), un papillon dont les chenilles
infestent parfois massivement le maïs, est la cible de plusieurs
variétés transgéniques " Bt ". Des études récentes ont montré
que les mâles et les femelles de ce ravageur sont capables de se
disperser sur plusieurs centaines de mètres, justifiant - a
posteriori - la distance maximale, imposée depuis 2000 par la
législation américaine, de 800 mètres entre les parcelles de
maïs Bt et les zones refuges. Toutefois, ces études
n'indiquaient pas dans quel ordre se déroulent typiquement
l'accouplement et la dispersion. Or, le brassage génétique est
moindre si les insectes de chaque catégorie - résistants ou
sensibles - s'accouplent localement, les résistants avec les
résistants et les sensibles avec les sensibles, avant de se
disperser (même sur de longues distances), que si les deux
catégories commencent leur vie adulte par une phase de
dispersion, puis s'accouplent indifféremment avec des individus,
migrants ou résidents, de n'importe laquelle des deux
catégories.
Pour mieux
connaître les habitudes d'accouplement et de dispersion des
pyrales, des chercheurs de l'INRA et d'un laboratoire
CNRS-Université Toulouse III, ont étudié leur comportement dans
une configuration spatiale identique à celle mise en place dans
la stratégie HDR. Ils ont relâché et capturé des papillons dans
des champs de maïs conventionnel français en 2004 et 2005. Il
s'agissait de pyrales du maïs ne présentant pas de résistance
aux toxines produites par les maïs Bt, aucune n'ayant été
observée à ce jour.
Les chercheurs ont
observé que les mâles immigrants venus d'autres parcelles ont
autant de chances de féconder une femelle vierge avant qu'elle
ne se disperse que les mâles résidents issus de la même parcelle
que cette femelle. Cette observation valide - tout au moins pour
les mâles - l'une des hypothèses de la stratégie HDR, puisque
l'accouplement au hasard favorise le brassage génétique chez les
papillons. Mais ils ont également découvert que des papillons
mâles et femelles s'accouplent régulièrement avant dispersion.
Ainsi, une part importante (jusqu'à 57% des femelles) des
pyrales nouvellement écloses s'accouple à une échelle très
locale, dans le champ même ou les bordures des champs dans
lesquels elles émergent, avant de s'envoler.
Les résultats de
cette étude indiquent que dans la stratégie HDR - telle qu'elle
est mise en place à l'heure actuelle aux Etats-Unis -, le
brassage génétique entre les pyrales résistantes - qui
pourraient être sélectionnées dans des parcelles de maïs Bt - et
les pyrales sensibles - issues des zones refuges - risquerait
d'être plus restreint qu'on ne l'imaginait jusqu'à présent. Ceci
pourrait réduire l'efficacité de la stratégie HDR, tout au moins
dans certaines configurations de rotation des cultures.
Source :
Dalecky A, Ponsard S, Bailey RI, Pélissier C, Bourguet D (2006)
Resistance evolution to Bt crops: Predispersal mating of
European corn borers. PLoS Biol 4(6): e181.
DOI: 10.1371/journal.pbio.0040181
en libre accès sur
http://biology.plosjournals.org |