Parsi, France
July 11, 2006
La septoriose est la maladie
foliaire majeure du blé en France et dans de nombreux pays
d’Europe. Deux champignons parasites en sont responsables.
Depuis plusieurs décennies, les traitements chimiques
constituent la principale méthode de lutte contre la maladie,
mais leur efficacité est affectée par l’apparition de souches
résistantes aux fongicides. Les chercheurs de l’INRA
ont caractérisé les mutations génétiques en cause et ont établi
un panorama complet de l’évolution des résistances en France.
Ces travaux permettent de recommander des programmes de
traitement efficaces auprès des céréaliers.
La septoriose est
provoquée par deux parasites fongiques connus sous les noms de
Septoria tritici et Septoria nodorum. Ces
champignons provoquent des taches foliaires brunes et peuvent
entraîner des baisses de rendement importantes. Actuellement,
l’espèce S. tritici est largement dominante en France,
alors que S. nodorum, qui peut également toucher les épis et les
semences, est devenu très rare.
Les régions les plus touchées par le développement de S.
tritici sont celles qui connaissent des épisodes pluvieux,
car la pluie et l’action éclaboussante des gouttes sur les
feuilles du blé favorisent la dissémination des spores. Ainsi,
il existe en France un gradient croissant de l’est vers l’ouest,
où les précipitations et le climat océanique favorisent le
développement de S. tritici.
Mobilisation
contre la septoriose
La lutte
chimique contre S.tritici est principalement assurée
par deux familles de fongicides : les strobilurines et les
triazoles. En France, malgré l’utilisation de ces
fongicides, la septoriose n’est pas toujours correctement
maîtrisée, car les traitements utilisés ont contribué à
l’apparition de souches résistantes.
Les chercheurs de l’INRA de Versailles associés à des
équipes d’Arvalis Institut du Végétal, de Chambres
d’Agriculture, du SRPV (Service de la protection des
végétaux) et de firmes phytosanitaires ont étudié la
cartographie des résistances en France et identifié des
stratégies de traitement efficaces (raisonnement des
interventions, positionnement des produits, mélanges ou
alternance des fongicides) pour lutter contre la maladie et
limiter le développement des résistances émergentes.
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Le champignon parasite
responsable de la septoriose provoque des taches
brunes sur les feuilles et peut entraîner des
baisses de rendement importantes dans les récoltes
de blé.
© INRA
/A.-S. WALKER
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L’explosion de la
résistance aux strobilurines
Les strobilurines
introduites en 1997 possèdent une excellente performance
d’action mais depuis 2003, des échecs de traitement imputables à
la présence de souches résistantes ont été observées. Ainsi,
d’après les collectes effectuées sur le terrain en 2005, 83% des
échantillons de blé prélevés présentaient plus de 50% de souches
résistantes aux strobilurines, en particulier dans les parcelles
du Nord de la France. Il a été montré que toutes les souches
sont fortement résistantes à l’ensemble des strobilurines, suite
à une mutation génétique qui affecte le site d’action du
fongicide. En termes de stratégie, il a été préconisé de limiter
l’emploi des strobilurines et de les associer avec d’autres
matières actives, comme les triazoles et les multi sites. Des
programmes sans strobilurines peuvent aussi être retenus dans
les zones où la résistance est généralisée et où la septoriose
est l’unique maladie foliaire visée.
Comment s'explique la résistance ?
La résistance à un fongicide correspond à une
modification génétique d’un pathogène qui devient
moins sensible à une substance active donnée. Dans
le cas du champignon parasite S. tritici,
responsable de la septoriose du blé, les mutations
concernent soit un gène mitochondrial codant pour le
cytochrome b, cible des strobilurines, soit un gène
chromosomique codant pour l’enzyme de la biosynthèse
des stérols, cible des triazoles.
Les souches capables de résister au fongicide (dites
souches résistantes) peuvent exister à l’état
naturel mais elles restent minoritaires face aux
souches sauvages (dites souches sensibles). Lors de
l’application d’un fongicide, les souches sauvages
sont éliminées, laissant le champ libre aux souches
résistantes. Les traitements fongiques deviennent
ainsi moins efficaces. |
Les triazoles
résistent à la résistance !
Les triazoles,
utilisés depuis plusieurs décennies contre la septoriose,
conservent toujours une efficacité correcte même si une érosion
a été constatée au cours des dix dernières années. Le
développement de souches faiblement à moyennement résistantes
résulte d’une ou plusieurs mutations génétiques au niveau de la
cible de ces triazoles. En pratique, cette famille chimique
conserve son intérêt à condition toutefois d’optimiser le choix
de la matière active, sa dose d’emploi et la période
d’application.
Vers une
protection intégrée
Outre les
précautions d’emploi indiquées pour les strobilurines et les
triazoles, il est possible de faire appel à d’autres fongicides,
en particulier les multi sites. Ces derniers fongicides
s’avèrent efficaces dans le cadre d’un traitement préventif,
puisqu’ils ne sont pas concernés par la résistance. Plus
généralement, le choix de variétés de blé peu sensibles,
l’allongement des rotations dans les parcelles et une
optimisation de la fertilisation pourraient aider à limiter le
développement de S. tritici.
Les travaux sur la septoriose se poursuivent : une meilleure
connaissance des caractéristiques biologiques des divers
génotypes devrait contribuer à diversifier les moyens de lutte.
Septoria
in wheat is resistant to fungicides
Septoria is the principal leaf disease affecting wheat in France
and many other European countries, and is caused by two
parasitic fungi. For several decades, chemical treatments have
constituted the principal means of controlling this disease, but
their efficacy has been affected by the appearance of
fungicide-resistant strains. INRA researchers have characterised
the gene mutations involved, and have established a full
panorama of the development of resistance in France. This work
makes it possible to recommend effective treatment programmes to
cereal growers.
Septoria is caused by two
parasitic fungi, Septoria tritici and Septoria nodorum.
These fungi cause brown blotches on the leaves and major drops
in yield. At present, the S. tritici species largely
predominates in France, while S. nodorum, which can also
affect ears and seed, has become very rare.
The regions most severely affected by the development of S.
tritici are those which experience sustained periods of
rainfall, as rain and the splashing action of drops on the wheat
leaves favour spore dissemination. Thus, in France, there is an
increasing gradient from the east towards the west, where
rainfall and the oceanic climate favour the development of S.
tritici.
Mobilisation against Septoria
The chemical control of S.
tritici is mainly ensured by two families of fungicides:
strobilurins and triazoles. In France, despite use of these
fungicides, Septoria is not always correctly controlled, because
the treatments employed have contributed to the appearance of
resistant strains.
INRA researchers in Versailles, associated with teams from
Arvalis Institut du Végétal, Chambers of Agriculture, the SRPV
(Regional Plant Protection Agencies) and plant health product
manufacturers have mapped this resistance in France and
identified appropriate treatment strategies (managed
intervention, product positioning, mixtures or alternating use
of fungicides) to control the disease and restrict the
development of emerging resistance.
The explosion of resistance to strobilurins
Strobilurins were introduced in 1997 and are endowed with
excellent activity, but observations have been made since 2003
of treatment failures attributable to the presence of resistant
strains. Thus, according to field data collected in 2005, 83%
of wheat samples presented more than 50% of
strobilurin-resistant strains, particularly in fields in
Northern
France. It was shown that all strains were markedly resistant
to all strobilurins, following a gene mutation affecting the
site of fungicidal activity. In terms of strategy, it was
recommended to limit the use of strobilurins and to associate
them with other active substances such as triazoles and
multi-site fungicides. Strobilurin-free programmes could also
be adopted in areas of generalised resistance, or where Septoria
is the only leaf disease targeted.
Why
does resistance develop?
Resistance to a fungicide corresponds to a genetic
modification to a pathogen which becomes less
susceptible to a given active substance. In the
case of the parasitic fungus S. tritici which
causes Septoria in wheat, the mutations concern
either a mitochondrial gene coding for cytochrome
b, the target for strobilurins, or a chromosomal
gene coding for the sterol biosynthesis enzyme, the
target of triazoles.
Strains which can resist a fungicide (called
resistant strains) may exist in the natural state,
but remain in a minority when compared with
wild-type strains (called susceptible strains).
When a fungicide is applied, wild-type strains are
eliminated, leaving the field open to resistant
strains. Fungicidal treatments thus become less
effective. |
Triazoles resist resistance !
Triazoles, which have been used for several decades against
Septoria, still retain satisfactory efficacy, even if some
deterioration has been observed during the past ten years. The
development of weakly to moderately resistant strains has
resulted from one or more gene mutations at the triazole target
site. In practice, this chemical family is still of value to
control, on condition of optimizing the choice of active
substance, its dosage and the period of application.
Towards integrated protection
As well complying with the precautions for use recommended
for strobilurins and triazoles, it is possible to use other
fungicides, and particularly multi-site substances. The latter
have proved their efficacy in the context of preventive
treatment, because they are not affected by resistance. More
generally, a choice of low susceptibility wheat varieties, a
prolongation of rotations on fields and optimised fertilisation
may help to restrict the development of S. tritici.
Studies on Septoria are ongoing with the aim of improving
our knowledge of the biological traits of different genotypes,
which should contribute to diversifying control methods. |