August, 2006
Source:
CIRAD 2005 - Résultats de recherche
Depuis une vingtaine d’années,
les épidémies à bégomovirus sur cultures maraîchères ont
tendance à «exploser»: le nombre d’espèces virales et de
cultures infectées s’accroît, les dégâts s’aggravent. La tomate,
légume le plus consommé au monde, est l’une des productions les
plus affectées dans les zones tropicales et méditerranéennes. A
la Réunion, la culture était relativement épargnée jusqu’à
l’introduction du Tomato yellow leaf curl virus (TYLCV),
en 1997. Cette nouvelle épidémie en milieu insulaire était une
occasion pour comprendre les raisons de l’extension mondiale de
ce groupe et élaborer des stratégies de lutte.
L’apparition de la maladie à la
Réunion a coïncidé avec l’augmentation des populations de son
insecte vecteur, l’aleurode Bemisia tabaci, alors
qu’aucune pullulation n’avait été signalée auparavant. L’analyse
moléculaire a mis en évidence deux types génétiques de B.
tabaci. L’un est assimilé au biotype B cosmopolite très
invasif, supposé récemment introduit puisqu’il n’est retrouvé
qu’à la Réunion et à Maurice. L’autre biotype est visiblement
indigène : génétiquement différent des populations décrites dans
le monde, il est présent dans toutes les îles de la région
(Madagascar, Maurice, Réunion, Seychelles et Comores). Le
processus de colonisation du biotype B de B. tabaci a été
étudié. Les diversités génétiques des deux biotypes de la
Réunion sont comparables, ce qui suggère que plusieurs
introductions ont été nécessaires à l’établissement du biotype
B. Celui-ci est dominant dans tous les bassins maraîchers, mais
n’a pas supplanté le biotype indigène ailleurs. L’existence de
populations hybrides avec l’introgression préférentielle
d’allèles du biotype endémique dans les populations invasives,
conforte l’avantage du biotype B qui présente déjà des traits de
vie très favorables à son expansion géographique.
Les importations horticoles ont
vraisemblablement favorisé les épidémies. Le Cirad et ses
partenaires ont montré que les aleurodes peuvent acquérir le
TYLCV sur des fruits et le transmettre ensuite à des jeunes
plants. Par ailleurs, de nombreux lots de fruits importés à la
Réunion ou en France métropolitaine se sont avérés contaminés.
La découverte d’une autre souche de TYLCV dans une zone
maraîchère de l’île, en 2004, confirme que ce risque existe,
même si seulement 3 % à 4 % de la production mondiale de tomate
fait l’objet d’un commerce international.
Au cours d’une campagne de
prélèvements sur les îles voisines, deux nouvelles espèces de
bégomovirus ont été découvertes. Dénommées Tomato leaf curl
Madagascar virus et Tomato leaf curl Mayotte virus.
Elles s’avèrent constituer un groupe, distinct de celui du
TYLCV, qui semble avoir évolué en isolement à partir d’un
ancêtre commun.
La capacité de recombinaison
des bégomovirus est très élevée. Aussi, du fait de la présence
de populations invasives et très polyphages de Bemisia et
de plusieurs espèces virales génétiquement éloignées, le risque
d’apparition de nouvelles souches plus agressives dans la
sous-région existe maintenant. La mise en place d’un réseau
d’épidémiosurveillance performant pour le contrôle des
importations est une priorité. C’est le principal objectif du
Programme régional de protection des végétaux auquel participent
le Cirad et ses partenaires de la région, sous l’égide de la
Commission de l’océan Indien. La recherche de nouvelles sources
de résistance et de méthodes efficaces contre l’aleurode et les
bégomovirus est engagée avec l’Inra et les semenciers.
Bernard Reynaud,
Hélène Delatte, Jean Michel Lett, Jacques Dintinger,
Pôle de protection des plantes, Umr Pvbmt, Peuplements végétaux
et bioagresseurs en milieu tropical,
département Amélioration des méthodes pour l’innovation
scientifique,
Michel
Peterschmitt, Umr Bgpi, Biologie et Génétique des
Interactions Plante-Parasite,
département Amélioration des méthodes pour l’innovation
scientifique
Pour en savoir plus
Delatte H., 2005. Study of the pathosystem: Begomovirus/Bemisia
tabaci/tomato on the South West islands of the Indian Ocean.
Wageningen,Pays-Bas, Wageningen University, 160 p.
Delatte H., Holota H., Naze F., Peterschmitt M., Reynaud B.,
Lett J.M., 2005. The presence of both recombinant and non
recombinant strains of Tomato yellow leaf curl virus on tomato
in Réunion island. Plant pathology, 54: 262.
Delatte H. et al., 2005. South West Indian Ocean islands
tomato begomovirus populations represent a new major monopartite
begomovirus group. Journal of general virology, 6: 1533–1542.
Delatte H. et al., 2005. A new silverleaf-inducing
biotype Ms of Bemisia tabaci (Hemiptera: Aleyrodidae)
indigenous of the islands of the southwest Indian Ocean.
Bulletin of entomological research, 95: 29-35.
Partenaires
Réseau
Services de protection des végétaux, Réunion, Madagascar,
Comores, Seychelles, Maurice
France
• Cefe, Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (Cnrs)
• Institut national de la recherche agronomique
Pays-Bas
• université de Wageningen
Réunion
• Semenciers
• université de la Réunion |