August, 2006
Source:
CIRAD 2005 - Résultats de recherche
Généralement, l’adaptabilité de
la plante aux contraintes biophysiques — stress hydrique ou
thermique, carences nutritives — est évaluée sur la base de sa
tolérance physiologique. Cette approche ignore la part de la
morphologie et de l’architecture. Pourtant, les ajustements
spontanés du système racinaire, du tallage ou de la taille des
feuilles et de l’inflorescence déterminent la colonisation des
espaces, l’accès aux ressources et ultérieurement, l’évitement
des stress physiologiques. Cette plasticité phénotypique est
d’une importance capitale pour la productivité des cultures. Peu
étudiée car complexe, elle intéresse aujourd’hui la génomique
fonctionnelle. Le projet Oryzon vise à établir les bases
génétiques, physiologiques et environnementales de la plasticité
phénotypique du riz, afin d’élaborer des marqueurs génétiques
efficaces et des modèles simulant leur impact agronomique. Cette
démarche nouvelle est développée avec le réseau international
Generation challenge programme.
De nombreuses observations ont
été accumulées en milieu contrôlé sur des variétés et des
mutants contrastés de riz, soumis à différentes contraintes
déformant le phénotype au stade végétatif : carence en
phosphore, périodes d’ombrage, sécheresse… La morphogenèse de la
plante et de ses organes, leur teneur en sucres, l’activité
d’enzymes clés ont été mesurées. L’invertase pariétale,
notamment, est une enzyme qui régule la demande en assimilats,
appelée force de puits, d’un organe. L’expression de certains
gènes codant pour les invertases est en cours d’étude. Ces
expérimentations ont alimenté le développement d’un modèle,
EcoMeristem, qui simule la morphogenèse du riz. Dans ce modèle,
les méristèmes initient de nouveaux organes, donc de nouveaux
puits, et interagissent avec la photosynthèse à l’échelle de la
plante.
Un mécanisme important de la
plasticité phénotypique a été mis en évidence. Par exemple, en
réponse à une carence en phosphore, la croissance racinaire est
stimulée — certainement pour améliorer l’accès au phosphore — au
travers d’une cascade d’inhibitions, l’inhibition du tallage et
de l’élongation des feuilles se répercute sur le rythme
d’émission de nouvelles feuilles. La demande en carbone des
organes aériens étant ainsi réduite, les assimilats
excédentaires sont mis en réserve et la croissance racinaire
accélérée. A l’inverse, sous l’effet d’un faible rayonnement, la
croissance du système racinaire est inhibée en faveur d’une
élongation des feuilles et des tiges, alors que l’organogenèse
est ralentie. Certaines de ces déformations utiles sont connues,
mais leur contrôle génétique et physiologique a jusqu’à présent
déjoué les analyses.
Le modèle EcoMeristem permet
d’analyser et de simuler ces processus à partir de l’hypothèse
d’un pilotage des méristèmes par le bilan trophique — ou
disponibilité en assimilats — de la plante : ce bilan s’exprime
par la concentration de certains sucres dans la plante.
Contrôlée par l’activité de certaines enzymes, cette
concentration joue le rôle de signal, et donc de régulateur, au
niveau des méristèmes. La plante ajuste ainsi sa morphologie. La
généralisation de ces concepts à l’ensemble des céréales fait
l’objet d’études sur le riz et le sorgho.
EcoMeristem montre que la
croissance des plantes dépend fortement de la régulation de
leurs puits, et pas seulement des ressources externes ou de la
photosynthèse. Cela offre de nouvelles perspectives pour
l’amélioration variétale. A l’heure actuelle, les bases en
génétique moléculaire sont insuffisantes pour sélectionner
spécifiquement des idéotypes possédant la morphologie et la
plasticité optimales. Mais un nouveau champ s’ouvre : le
phénotypage à l’aide de modèles. Croisé avec les polymorphismes
de gènes candidats, permettra de développer des marqueurs
moléculaires puissants pour la création variétale, sans passage
obligatoire par des Ogm.
Michael Dingkuhn,
Delphine Luquet, Anne Clément, Ludovic Tambour,
Upr Plasticité phénotypique et performance des cultures
Dominique This, Umr Pia, Polymorphismes d’intérêt agronomique,
département Amélioration des méthodes pour l’innovation
scientifique
Tanguy Lafarge, Upr Création variétale et peuplements de riz,
département Cultures annuelles
Pour en savoir plus
Luquet D. et al., 2006. EcoMeristem, a Model of
Morphogenesis and Competition among Sinks in Rice. 1. Concept,
Validation and sensitivity analysis. Functional plant biology,
33 (4): 309-323.
Luquet D. et al., 2006. EcoMeristem, a Model of
Morphogenesis and Competition among Sinks in Rice. 2. Simulating
genotype responses to phosphorus deficiency. Functonal plant
biology, 33 (): 325-337.
Luquet D. et al., 2005. Phenotypic plasticity fo rice
seedlings: case of phosphorus deficiency. Plant production
science, 8 : 154-151.
Dingkuhn M. et al., 2005. Environmental and genetic
control of morphogenesis in crops: Towards models simulating
phenotypic plasticity. Australian journal of agricultural
research, 56: 1-14.
Partenaires
International
• Gcrai, groupe consultatif pour la recherche agricole
internationale
Australie
• Csiro, Commonwealth Science and Industry Research Organisation
• université de Queensland
Brésil
• Embrapa, Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuárua
France
• Umr Lepse, Laboratoire d’écophysiologie des plantes sous
stress environnementaux (Inra, Agro.M)
Philippines
• Irri, international Rice Research Institute
Projet
Generation challenge programme du Gcrai |