Montpellier, France
April 14, 2006
Une étude comparative du
Cirad met en lumière les
performances, les atouts et les limites des exploitations
cotonnières américaines, brésiliennes et maliennes. Les
pratiques culturelles, l’accès aux intrants et la
commercialisation de la production pèsent dans la balance.
Il y a trois ans, le Bénin, le Burkina, le Mali
et le Tchad déposaient une proposition de négociation auprès de
l’organisation mondiale du commerce (Omc). Cette proposition,
intitulée « Réduction de la pauvreté : initiative sectorielle
sur le coton », demande notamment la suppression des subventions
massives que les Etats-Unis, la Chine et l’Europe accordent à
leurs producteurs. Afin de mieux comprendre les enjeux
qu’impliquent ces subventions, une équipe du Cirad a analysé les
forces et faiblesses des systèmes de production américain,
brésilien et malien. A cette fin, le Cirad s’est penché sur
quatre critères de compétitivité : le coût de revient, le coût
de la main d’œuvre salariée, le coût du foncier et celui des
intrants. L’étude montre que les différences dépendent en grande
partie des pratiques culturales et des conditions d’accès aux
intrants/services, en amont de la filière, et des conditions de
commercialisation de la production.
Au Brésil, les performances technico-économiques des systèmes
cotonniers sont fondées sur des rendements élevés. Au Mali,
c’est en revanche la faiblesse des coûts par hectare qui
caractérise ces performances. En terme de coût de revient par
livre de coton fibre produite, le Brésil se situe dans une
fourchette de 50 et 60 cents par livre, tandis qu’au Mali, le
coût de revient moyen est d’environ 40 cents par livre. Aux
Etats-Unis, en revanche, la moyenne nationale dépasse les 80
cents par livre.
Les performances brésiliennes et maliennes reposent également
sur de faibles coûts relatifs en terme de main-d’œuvre salariée,
d’équipement et de foncier (1,5 % seulement du coût total contre
près de 20 % aux Etats-Unis et 12 % au Mali). Concernant les
Etats-Unis, c’est sur le poste des intrants - semences,
fertilisants et produits phytosanitaires – que le pays sauve son
bilan économique : ce poste ne représente que 25 % du coût
total, alors qu’il est estimé à plus de 33 % au Mali et
quasiment à 60 % au Brésil. Dans ce dernier pays, ce sont
surtout les produits phytosanitaires, suivis par les
fertilisants qui renchérissent les coûts de production.
Si l’on regarde du côté des résultats d’exploitation, on observe
que les Etats-Unis sont néanmoins peu performants. Les
producteurs américains ne doivent en effet leur survie qu'aux
subventions publiques. Le Mali, pour sa part, apparaît dans une
situation intermédiaire, avec des coûts unitaires les plus bas
et des marges positives, mais qui sont extrêmement faibles par
rapport aux surfaces cultivées, en raison de très faibles
rendements par hectare. Ce constat laisse néanmoins espérer de
grandes marges de progrès, contrairement aux deux autres pays où
les rendements sont déjà élevés, surtout au Brésil, et tendent à
plafonner.
Au Brésil, la « photographie cotonnière » réalisée en 2004,
montre globalement une plus grande efficience économique dans
les grandes exploitations intensives du Mato Grosso. Mais, se
pose le problème de la durabilité de ces systèmes dont la
rentabilité reste malgré tout aléatoire avec des risques
économiques bien plus grands qu’au Mali. Dans ce pays africain,
l’essentiel de la production repose sur une main-d’œuvre
familiale, paramètre d’adaptation éventuelle aux contraintes. Au
Brésil, ce paramètre est d’ordre économique : en cas de baisse
de la productivité en raison des aléas climatiques, ou des
facteurs phytosanitaires, tout ajustement ne peut se faire que
par une décapitalisation, voire une faillite des exploitations.
Aux Etats-Unis, la politique publique de soutien permet aux
entrepreneurs américains d’être les premiers exportateurs
mondiaux. Le Brésil et le Mali n’occupent respectivement que la
troisième et le sixième rang mondial.
Ces considérations font figure d’« effet miroir » en ce qui
concerne les situations malienne et brésilienne, et notamment
avec le Nordeste brésilien, où les taux de marge sont
extrêmement faibles dans un système économique bien moins
encadré qu’au Mali où l’opérateur aval (la Compagnie malienne de
développement du textile, Cmdt) prend à sa charge une partie des
frais, et en particulier le transport du coton graine de la
ferme à l’usine, la transformation et le stockage. Cette
constatation mène en définitive à poser la question du rôle des
politiques publiques d’accompagnement et des productions
traditionnelles, certes fragiles, mais socialement importantes
dans la redistribution des revenus issus de l’économie
cotonnière.
En savoir plus:
Sur l''unité de recherche
Actions collectives, politiques et marchés
Un dossier
du Cirad entièrement consacré au coton
Références bibliographiques
Mendez del Villar P., Alvez L., Keita M., Facteurs de
performance et de compétitivité des exploitations cotonnières au
Brésil, aux Etats-Unis et au Mali, étude financée par le
ministère français des Affaires étrangères et menée, en 2004, en
partenariat entre le Cirad, le Centre d’études avancées en
économie appliquée (Cepea) de l’Université de Sao Paulo et
l’Institut d’économie rurale (Ier) de Bamako.
Le coton, des futurs à construire, Cahiers Agricultures,
vol. 15, n°1, janvier-février 2006 |