France
September 8, 2005Le
Brésil figure parmi les principaux producteurs mondiaux en
agriculture biologique. Un défi majeur du pays est de développer
des marchés locaux avec des prix raisonnables afin que des
populations disposant de faibles ressources puissent avoir accès
à cette production. Des chercheurs1 de l'INRA d'Avignon et de
l'Embrapa (organisme de recherche agronomique brésilien) ont
analysé comment de petits producteurs créent des entités
collectives et expérimentent de nouvelles pratiques sociales,
s'appuyant sur leurs propres besoins et ceux des consommateurs.
Dans l'état de São Paulo, ils ont identifié quatre formes
sociales d'organisation, leurs dynamiques, leurs valeurs et
leurs inter-relations.
Au Brésil, une loi reconnaît
depuis peu l'agriculture biologique (loi " agricultura orgânica
" de décembre 2003). Elle exprime un projet politique pour la
petite agriculture. Elle reconnaît l'existence de différents
modèles de production et systèmes de certification. La
certification de groupe permet de réduire fortement le coût de
la certification pour un petit producteur affilié à une
association. Les petits producteurs biologiques sont donc
fortement encouragés à s'organiser, mais quelles sont les formes
d'organisation émergentes ?
Des chercheurs de l'INRA et de l'Embrapa ont étudié ces formes
d'organisation de l'agriculture biologique sur la commune
d'Ibiúna, dans l'état de São Paulo, en raison de sa forte
concentration de maraîchers biologiques et des enjeux
environnementaux présents dans ce territoire.
Les maraîchers ont commencé à
se convertir à l'agriculture biologique sous l'impulsion de deux
projets, portés d'une part par l'Eglise catholique, et d'autre
part par des agronomes engagés dans un mouvement social
brésilien. Cette référence historique permet de comprendre la
coexistence des quatre formes d'organisation observées, et qui
révèlent différentes conceptions du marché et de l'agriculture
biologique.
APPRI, une association de
petits producteurs non certifiée
L'association des petits
producteurs d'Ibiúna (APPRI) est liée à la fondation
Campo-Cidade et à des initiatives de l'Eglise catholique. Leur
projet consiste à créer des solidarités entre des communautés
rurales et des citadins, et obtenir des légumes à prix justes
pour les producteurs et les consommateurs, tout en préservant la
santé humaine par des aliments sains et en protégeant
l'environnement. APPRI compte plus de 50 maraîchers, dont seuls
deux d'entre eux sont certifiés en agriculture biologique.
L'association fournit plus de 800 familles aux conditions
socio-économiques précaires, organisées en groupes d'achat. Ces
groupes rendent visite aux producteurs, et ces échanges
renforcent les valeurs de solidarité et de partenariat entre
individus d'horizons différents.
Horta e Arte, une entreprise
au pouvoir structurant
Au début des années 90, des
membres du mouvement social environnemental ont créé la
coopérative Coopernatura, projet qui a échoué en 1994. Seuls
deux producteurs ont continué et ont ainsi créé l'entreprise
Horta e Arte qu'ils dirigent encore. Le contrat qui lie les
producteurs à l'entreprise est exclusif, défini sur la base
d'une planification des plantations élaborée par une équipe de 8
techniciens. Les intrants, l'assistance technique et la
certification (de groupe) sont assumés par les producteurs. Le
paiement aux producteurs n'est réalisé que s'il y a vente
effective. Une logique commerciale prédomine, avec une
organisation de la production très planifiée. Mais les coûts
logistiques sont élevés pour l'entreprise, et la capacité de
négociation avec des hypermarchés diminue avec l'arrivée de
concurrents. Ce système, peu favorable aux producteurs, laisse
émerger d'autres formes d'organisation...
APPOI, une association de
producteurs biologiques indépendants
APPOI est une association de 15
petits maraîchers biologiques. En l'absence de contrat
d'exclusivité, la moitié d'entre eux livre l'association de
façon occasionnelle. Les principes de fonctionnement sont la
participation, l'échange d'expériences et d'informations sur les
problèmes quotidiens, la flexibilité et l'adaptation, la
définition de prix justes pour le producteur et le consommateur.
Tous les producteurs sont certifiés individuellement et la
nouvelle station de conditionnement d'Ibiúna est certifiée par
Ecocert. Un enjeu pour cette association consiste à ne pas
sacrifier la justice sociale à la logique commerciale.
APPROV, une association
intégrée dans une coopérative régionale
Cette dernière organisation
(APPROV) est née d'une rupture avec les principes et pratiques
de Horta e Arte. Elle associe 12 producteurs biologiques,
inquiets de l'écart des prix payés aux producteurs avec ceux
affichés par les supermarchés. Leur association a été intégrée
fin 2003 dans une coopérative régionale, CAISP. Les maraîchers
bénéficient de la structure fonctionnelle de la coopérative
(intrants, facturation, transport). La certification est
identique à celle d'APPOI, et CAISP ne demande pas d'exclusivité
aux producteurs, qui peuvent également faire de la vente directe
dans des marchés forains.
Ces initiatives contribuent à un meilleur positionnement
économique des agriculteurs, par une requalification de la
production et l'ajout de valeurs à ce territoire d'Ibiúna. Des
initiatives comparables dans d'autres Etats du Brésil légitiment
la construction d'un réseau élargi d'expériences en
agro-écologie.
Ibiúna est une commune aux
multiples statuts. Nouvelle ceinture verte localisée à 70 km de
São Paulo, elle est une station touristique sur les franges de
la montagne Paranapiacaba et constitue également le bassin
hydrographique alimentant Ibiúna et Sorocaba en eau potable.
Plus de 40% de la surface totale sont dans une réserve de
biosphère, constituée de forêt atlantique. L'agriculture est
encore une base économique.
Le maraîchage est l'activité
dominante en raison de petites structures (plus de 50% des
exploitations ont moins de 10 hectares), du climat humide et
tempéré lié à l'altitude (entre 840 et 1214 mètres), des
ressources hydriques permettant d'irriguer les cultures, et de
l'importance de la population rurale (près de 70% de la
population totale). |