France
April 19, 2005
Les méthodes classiques de
caractérisation de la composition des aliments et de leur
évaluation toxicologique sont basées sur la recherche de
molécules connues. Elles sont donc mal adaptées aux OGM pour
lesquels les effets éventuels pourraient venir de molécules non
connues a priori. Des chercheurs de l’INRA
ont appliqué une méthode globale fondée sur la production
d’empreintes analytiques et de signatures biologiques, pour
étudier la qualité alimentaire de pommes de terre, et l’impact
de leur consommation par des rats. Ces analyses ont permis
notamment de montrer qu’il est possible de distinguer les
animaux selon leur régime alimentaire (avec ou sans pomme de
terre, selon le type de pommes de terre consommées, variétés
transgéniques ou non). Cette méthode d’analyse se révèle
performante et sensible ; il faut désormais poursuivre les
recherches sur l’interprétation des résultats obtenus pour
conclure en terme de risques potentiels pour la santé.
Une méthode globale
La transformation génétique des
plantes à usage alimentaire peut conduire à une modification de
leur composition biochimique et ainsi de leur qualité
nutritionnelle. Les chercheurs de l'INRA de Toulouse ont mis au
point une méthode globale qui permet de repérer ces éventuelles
variations de composition biochimique chez les plantes et les
modifications métaboliques qui en découlent chez les animaux
consommateurs.
Cette approche innovante, appelée
métabonomique, est basée sur l'analyse quantitative du
métabolome, c'est-à-dire de l'ensemble des produits issus des
réactions chimiques ayant lieu dans les cellules ou au niveau
d'un organisme. Au niveau des plantes alimentaires, cette
approche consiste à produire des "empreintes analytiques"
significatives des composants primaires de l'aliment (protéines,
minéraux, vitamines, etc.).
En ce qui concerne les animaux consommateurs de ces aliments, on
met en évidence des "signatures biologiques" par l'analyse dans
les urines des produits issus du métabolisme général. On
caractérise ainsi l'impact nutritionnel de l'aliment.
Rats et pommes de terre
Les études ont porté sur l'effet
d'une alimentation à base de diverses sortes de pomme de terre
sur un modèle animal : le rat en croissance. Un premier lot de
rats a reçu un régime de référence sans pomme de terre. D'autres
rats ont consommé des tubercules provenant de différentes
variétés conventionnelles ou ayant subi une transformation
génétique (incorporation d'un gène de résistance au virus PVY
responsable de nécroses sur les tubercules ou d'un gène impliqué
dans le métabolisme de l'azote).
Caractériser l'aliment
L'ensemble des données obtenues
grâce aux empreintes analytiques sur matériel végétal permet de
distinguer les origines variétales des pommes de terre
analysées, puis de repérer l'adaptation des plants aux
conditions d'environnement sanitaires dans lesquelles étaient
conduites les cultures (présence ou non du virus, etc.). Enfin,
il est possible de caractériser la variation du métabolisme liée
à l'insertion du transgène.
Une évaluation de la teneur en glycoalcaloïdes de chaque variété
ou de la même variété génétiquement modifiée a été réalisée à
partir de tubercules produits en conditions indemnes de
contamination par le virus PVY. Ces analyses ont permis de
montrer que l'insertion des différents transgènes n'a pas
d'incidence sur la teneur en glycoalcaloïdes, métabolites
secondaires indésirables. Les glycoalcaloïdes (comme la
solanine) sont naturellement synthétisés par les pommes de terre
à faible dose, et ils sont toxiques à forte concentration pour
l'homme.
Evaluer l'effet sur les rats :
une méthode sensible
La méthode d'analyse métabonomique
s'est également révélée suffisamment sensible pour distinguer
les animaux selon leur régime alimentaire. Les signatures
biologiques urinaires ont permis de distinguer les animaux
nourris avec un régime de référence sans pomme de terre de ceux
nourris avec un régime à base de pomme de terre. Pour les rats
ayant reçu une alimentation incluant des pommes de terre, il est
également possible de distinguer la part de la réponse
métabolique expliquée principalement par la variété de pomme de
terre de celle liée aux variations limitées de la composition de
l'aliment résultant de la transformation génétique des variétés.
Les variations des signatures biologiques observées selon la
variété de pomme de terre sont donc bien plus marquées que
celles dues à la transformation génétique. Il n'en reste pas
moins que des différences apparaissent entre les signatures
biologiques des rats nourris avec ces variétés conventionnelles
ou transgéniques. Le défi réside dans l'appréciation de ces
différences en terme de toxicité potentielle, aux relations
d'échelle près, et leur interprétation objective.
Un "microscope à réseau
métabolique"
Que ce soit pour l'évaluation de "
l'alimentarité " des plantes génétiquement modifiées ou la
recherche de disruption métabolique d'origine génétique,
endocrinienne ou subtoxique, la métabonomique, en tant que
méthode de mesure des altérations du fonctionnement métabolique
des organismes, possède de fait des propriétés comparables à
celles d'un microscope, ceci grâce à sa capacité de focaliser
certains détails du réseau métabolique sensibles aux
perturbations appliquées au système biologique. |