Brasilia, Brazil
April 14, 2005
Du 17 au 18 mars dernier, 250
personnes représentant les pouvoirs publics, le secteur privé
et la société civile du Brésil, se sont rencontrées à Foz de
Iguaçu, à la frontière entre l’Argentine, le Paraguay et le
Brésil pour analyser les possibilités d’une production durable
de soja.
Alors que le Brésil devient le
premier exportateur mondial de soja, suivi de près par
l’Argentine et même le Paraguay, de nombreuses voix s’élèvent
pour dénoncer les impacts socio-environnementaux négatifs de
cette expansion du front du soja en Amazonie, particulièrement
dans les régions de frontières agricoles. L’objectif de ces
journées était donc de chercher ensemble des alternatives pour
modifier le processus.
Ce dialogue entre les
différents acteurs de la production de soja répond aux exigences
du projet financé par la ligne forêt tropicale de la commission
européenne auquel participe le
Cirad, conjointement avec le Centre de développement durable
de l’Université de Brasilia et
deux Ongs locales, l’Institut du
développement durable et des relations internationales
(IDDRI) et le World
Wildlife Fund (WWF).
Au terme de ces rencontres, la
divergence des opinions intervenantes, entre les systèmes
familiaux de production stabilisée de soja pour l’alimentation
humaine et la monoculture en grandes parcelles de soja «
commodity », est importante. Car c’est bien en projet de vie et
modèles de développement que se sont exprimées et affrontées les
parties en présence. Ce dialogue représente pourtant un enjeu
majeur, voire un défi pour cette région du monde.
Contact : Richard Pasquis,
Cirad
UPR Territoire et information
Champ scientifique : Sciences humaines et sociales
Domaine d'activité : géographie ( analyse des
systèmes ruraux )
SHIS QL 10 CJ 07 - CASA 08 - CEP 71630-075 -
Brasilia DF - Brésil
Tél : +55 61 322 25 50 - Fax : +55 61 322 84 73
-
richard.pasquis@cirad.fr
En savoir plus :
http://www.sustainablesoy.org/
Texte de R. Pasquis:
« Soja durable » : 250 personnes pour un dialogue...
Du
soja durable ?
Du 17 au 18 mars, 250 personnes se sont
rencontrées à Foz de Iguaçu, à la frontière entre l’Argentine,
le Paraguay et le Brésil pour analyser les possibilités d’une
production « durable » de soja. Rapidement le titre même du
séminaire a été remis en cause, et la durabilité s’est
transformée en « responsabilité ». Une production
« responsable » de soja, donc.
Pourquoi ce dialogue ?
Au-delà des mots, quels étaient les objectifs de
cette réunion ? Alors que le Brésil vient de devenir le premier
exportateur mondial de soja, suivi de près par l’Argentine et
même le Paraguay, aux dimensions bien plus réduites, de
nombreuses voix s’élèvent depuis, pour dénoncer les impacts
socio-environnementaux négatifs de cette spéculation notamment
dans les régions de frontières agricoles. L’objectif était donc
de chercher ensemble des alternatives pour modifier ce
processus, afin d’en limiter les impacts négatifs.
Des
résultats timides
L’indigence des conclusions qui sont consignées
au sein d’un texte d’accord non moins sibyllin, est à mesurer à
l’aune des crispations qui caractérisent les positions des trois
grands types d’acteurs en présence ; le secteur privé, la
société civile et les pouvoirs publics. Pourtant il faut saluer
l’effort et la bonne volonté, consentis par le comité
organisateur, qui voulait donner le ton, en associant dès la
première heure Unilever, le groupe André MAGGI (premier
producteur privé mondial de soja), les ONG Cordaid et COOP, la
Fédération des travailleurs de l’agriculture familiale du sud du
Brésil et le WWF.
Soja
ou modèle de développement ?
Ce dialogue représente un enjeu majeur, voire un
défi. Le même processus démarré quelque temps auparavant, pour
le palmier à huile, donne la mesure de la tâche à accomplir.
D’abord parce qu’il faut bien préciser de quoi
l’on parle. Le soja commodity en grandes parcelles de
monoculture dans les régions de frontières agricoles, n’a que
peu de points communs avec le soja inscrit dans des systèmes de
production familiaux au sein de terroirs relativement stabilisés
et où il participe à l’alimentation humaine. Par ailleurs, le
soja n’est pas le seul coupable de la conversion forestière et
arrive après l’exploitation forestière et l’élevage extensif.
Ensuite, parce qu’au-delà des concepts, c’est
bien en terme de projet de vie et de modèle de développement que
s’expriment les parties en présence.
Quelles conditions pour un dialogue ?
En effet, au terme de ce premier
exercice, il est nécessaire de se poser quelques questions sur
les conditions d’un véritable dialogue. Le dialogue signifie que
toutes les parties conversent entre elles. Pour cela il est
nécessaire que tous en ressentent la nécessité. Or pourquoi le
secteur privé serait intéressé par ce dialogue ? Est-il
demandeur au même titre que la société civile ? Se sent-il
éventuellement menacés à terme par une évolution du marché qui
irait dans le sens des revendications de la société civile et
qui pourrait se traduire par des contraintes sous forme de
labellisations ou autres certifications socio-environnementales
ou « forest free » ?
Car pour un dialogue véritable, il faut accepter
à la fois, le point de vue de l’autre ou des autres parties et
de se remettre en cause. Or, au cours de ces deux journées tous
les arguments largement éculés par le long processus d’approche
qui a précédé cette réunion ont été abondamment resservis et
utilisés, plus pour conforter les positions de chacune des
parties, que pour lancer le débat.
Et
maintenant ?
En conclusion, force est de constater
qu’aucun consensus n’a véritablement été trouvé. A tel point que
la déclaration conjointe commence par une évidence que la
culture du soja présente des aspects positifs et négatifs ...!
Mais est-ce bien grave ? Il est probable que nous n’arriverons
jamais à un consensus. L’important est d’arriver à des accords
et des contrats entre les parties ou chacun aura ses obligations
et ses droits spécifiés.
C’est l’objectif du projet financé par la ligne
forêt tropicale de la CE auquel participe le
CIRAD
conjointement avec l’IDDRI, le WWF, le Centre de Développement
Durable de l’Université de Brasilia (CDS-UnB), et deux ONGs
locales, IPAM et ICV, et qui consiste à renforcer le dialogue
entre les acteurs concernés par l’expansion du front du soja en
Amazonie, en consolidant les espaces de dialogue, en améliorant
quantitativement et qualitativement l’information et en formant
les acteurs au dialogue. Tout un programme, dont les deux
journées de Foz de Iguaçu nous ont permis d’évaluer l’ampleur de
la tâche.
Brasilia 23 mars 2005
Richard Pasquis
CIRAD-Tera SITER |