L'utilisation de plantes
génétiquement modifiées qui protègent les cultures contre des
ravageurs est de plus en fréquente à travers le monde. C'est le
cas du maïs Bt qui produit une protéine insecticide
spécifiquement dirigée contre certains insectes, comme la pyrale
du maïs. Des scientifiques du Pôle de recherche national (PRN)
Survie des plantes mènent des études visant à en évaluer les
risques pour les insectes non-visés.
Bien que le maïs Bt n'ait à ce
jour révélé aucune action néfaste sur les insectes non-visés, il
faut, pour avoir une vision complète de la notion de risque,
déterminer si ces mêmes insectes peuvent être exposés à la
toxine et dans quelle proportion. C'est ce à quoi s'intéressent
deux études menées par une équipe de la station fédérale de
recherche Agroscope FAL
Reckenholz près de Zurich. L'une d'elles examine si des
arthropodes sont exposés à cette toxine, autrement dit s'ils
sont susceptibles d'ingérer la substance en question et à quel
niveau.
Les expériences ont eu lieu
dans les laboratoires zurichois et sur le terrain en Espagne, un
pays où la culture de maïs transgénique couvre une proportion
d'environ 12% du maïs total cultivé. Première constatation : la
plupart des insectes herbivores (comme les pucerons) ne
contiennent pratiquement pas de toxine Bt dans leur organisme.
Il y a cependant des exceptions. L'acarien jaune Tetranychus
urticae, un herbivore qui prolifère dans les champs de maïs
juste après la dispersion du pollen, contient jusqu'à 3 fois
plus de toxine que la concentration mesurée dans les feuilles de
maïs. Cette concentration est également quatre fois plus élevée
que ne l'avaient révélé des résultats obtenus en laboratoire. De
plus, selon une étude précédente, la toxine reste dans une forme
active, même après ingestion, sans toutefois mettre en danger la
vie de l'acarien, puisque celui-ci n'y est pas sensible.
Parmi les insectes prédateurs,
la plus haute teneur en toxine a été relevée dans le coléoptère
Stethorus punctillum, un genre de coccinelle utile puisque'elle
se nourrit exclusivement d'acariens jaunes et protège ainsi les
cultures. « Nos recherches confirment que la toxine Bt peut être
transmise, sous certaines conditions, à travers la chaîne
alimentaire et que les insectes prédateurs peuvent y être
exposés », indique Lena Obrist qui donnera une conférence à ce
sujet à Leysin. Mais ce commentaire doit être nuancé :
l'exposition à la toxine ne signifie pas risque pour autant,
puisqu'aucun effet toxique n'a été encore observé parmi les
insectes non-visés. De plus, certains prédateurs ne contiennent
pas de toxine Bt, en raison d'habitudes alimentaires
diversifiées, qui reposent sur des sources de nourriture autres
que le pollen ou les acariens jaunes susceptibles de contenir la
toxine.
Lena Obrist, qui effectue une
thèse de doctorat sous la direction de Franz Bigler à Agroscope
FAL Reckenholz, a par ailleurs conduit une autre recherche
concernant les insectes non-visés. Son objectif était d'évaluer
les effets de la toxine Bt sur des insectes herbivores, des
thrips de l'espèce Frankliniella tenuicornis, et sa persistence
dans l'organisme des insectes lorsqu'ils ont mangé du maïs Bt.
Pour les prédateurs mangeurs de
thrips, le risque d'exposition reste relativement bas, en raison
de la faible concentration de toxine emmagasinée par ces
derniers et sa rapide excrétion : la quantité initialement
ingérée diminue de 97% après 24 heures. L'analyse des matières
fécales des thrips indique qu'une grande partie de la toxine est
en effet excrétée. A cette faible persistence de la toxine
s'ajoute le fait que les thrips ne se nourrissent que durant les
stades larvaire et adulte. Aux stades prépupal et pupal en
revanche, ils restent sans manger et ne contiennent donc pas de
toxine.
Les études montrent ainsi
qu'une estimation réelle du niveau d'exposition des insectes
prédateurs à la protéine toxique doit être évaluée dans les
champs. En plus des informations liées à l'évaluation des
risques, ce type d'approche fournit des connaissances relatives
aux habitudes alimentaires des proies et des prédateurs qui ont
un lien direct ou indirect avec les plantes de maïs.