Dans le prolongement de l’«
Histoire humaine et comparée du climat* » établie par
Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur honoraire au Collège de
France, des chercheurs du CNRS, du CEA et de l’Institut
National de la Recherche Agronomique (INRA)
ont reconstitué le climat de la Bourgogne depuis 1370 à
partir des dates de vendange du pinot noir, cépage roi de la
région. Ils complètent ainsi les données sur l’évolution
récente du climat. Leurs travaux sont publiés dans la revue
Nature du 18 novembre.
De nombreux
efforts de reconstitution de la température ont été faits
pour replacer le réchauffement du 20eme siècle
dans une perspective millénaire, car les mesures
instrumentales sont rares avant 1850 et inexistantes avant
la deuxième moitié du 17eme siècle. Les
chercheurs ont utilisé les dates de vendange des vignobles
de Bourgogne pour retracer les anomalies de températures
depuis 1370. Les dates de vendange ont en effet été
enregistrées de façon manuscrite et fournissent ainsi une
information climatique non altérée avec une chronologie
absolue.
L’information
climatique a été extraite grâce à un modèle de développement
de la vigne, en fonction de la température, ajusté pour le
cépage Pinot Noir. Trois étapes clés du développement de la
vigne y sont prises en compte : les dates de floraison, de
véraison (quand les grains de raisin passent de vert à blanc
ou rouge) et de maturation.
Les
reconstitutions des scientifiques montrent que la Bourgogne
a connu entre 1370 et 1850 (période communément appelée
Petit Age Glaciaire) plusieurs périodes aussi chaudes que
les années 1990.
En revanche,
l’année 2003 apparaît de loin comme l’année la plus chaude
qu’ait connue la Bourgogne, avec une anomalie de + 5,86 °C,
soit 43% plus élevée que l’anomalie de la dernière année la
plus chaude enregistrée en 1523 (+ 4,10 °C).
Les dates de
vendange offrent ainsi le potentiel de reconstituer finement
les variations de température des derniers siècles dans de
nombreuses régions d’Europe et du Moyen Orient. Elles
compléteraient ainsi de façon importante les bases de
données climatiques existantes et permettraient d’obtenir
des informations sur les variations régionales du climat au
cours du dernier millénaire.
Références :
Grape ripening as past a climate indicator, I.
Chuine1, P. YiouTsup, N. Viovy2, B.
Seguin3, V. Daux2 and E. Le Roy
Ladurie4
Nature, 18 novembre 2004.
1 Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE)
(Université Montpellier 2-CNRS)
2 Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement
(LSCE) (CEA-CNRS))
3 Unité AGROCLIM Avignon, Institut national de la recherche
agronomique (INRA)
4 Collège de France