September 25, 2003
Une équipe du laboratoire de biochimie et
physiologie moléculaire des plantes (CNRS,
INRA, Agro-M, UM2 -
Montpellier), en collaboration avec le laboratoire de
physiologie cellulaire végétale (CNRS, CEA, Université Grenoble
1 - Grenoble), vient de faire une avancée majeure dans la
compréhension de la réponse des plantes aux stress
environnementaux. Ce travail a permis d'identifier un mécanisme
moléculaire de régulation fine du transport de l'eau à travers
les membranes cellulaires. Ce mécanisme est original tant dans
le domaine de la biologie végétale qu'animale. Il permet de
comprendre comment les racines des plantes diminuent leur
capacité de transport d'eau en réponse à l'inondation du sol.
Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 25 septembre
2003.
Les plantes doivent faire face à de nombreux
stress de l'environnement. Un des défis majeurs est le maintien
de leur équilibre hydrique dans des situations physiologiques
parfois extrêmes. L'inondation des sols en hiver dans les zones
tempérées ou après irrigation provoque, au niveau des racines,
une carence aiguë en oxygène ou anoxie. On sait depuis quelques
années déjà que ce type de stress, tout comme la sécheresse ou
la salinité des sols, affecte l'absorption d'eau par les
racines.
L'équipe de chercheurs de Montpellier, dirigée
par Christophe Maurel, s'intéresse aux mécanismes physiologiques
et moléculaires qui sous-tendent ces processus. Elle étudie en
particulier la fonction et la régulation des aquaporines, des
protéines ubiquistes qui forment des canaux hydriques et
facilitent la diffusion de l'eau à travers les membranes
cellulaires. Alors que la fonction des aquaporines animales,
dans la physiologie rénale par exemple, est maintenant bien
établie, ces chercheurs ont obtenu récemment des preuves
originales de la fonction des aquaporines végétales dans le
transport racinaire d'eau. Ils ont montré en particulier que les
aquaporines facilitent les flux radiaux d'eau, de la solution du
sol jusque dans les vaisseaux conducteurs du xylème (1) situés
au centre de la racine.
Au cours de leur travail, décrit dans Nature,
les chercheurs ont découvert que le blocage complet du transport
racinaire d'eau en condition d'anoxie est strictement lié à une
acidification de l'intérieur des cellules. Cette acidification
découle du déséquilibre métabolique engendré par l'anoxie, un
phénomène précédemment décrit par les chercheurs grenoblois,
sous la direction de Richard Bligny. Ici, et de manière très
originale, cette acidification sert de signal pour provoquer
directement la fermeture des aquaporines localisées sur la
membrane des cellules. Cette propriété de régulation découle
d'un caractère structural spécifique des aquaporines des plantes
qui a pu être identifié. La mutation ponctuelle de ce caractère
structural a permis en particulier de produire des aquaporines
désormais insensibles à l'acidification intracellulaire.
Ces recherches ouvrent des pistes originales pour
comprendre la régulation du transport membranaire d'eau chez
tous les organismes vivants. En particulier, elles apportent de
nouvelles connaissances pour essayer d'améliorer la tolérance
des plantes à l'inondation des sols et, éventuellement, à
d'autres contraintes de l'environnement. Des aquaporines dont la
sensibilité à l'acidification intracellulaire a été modifiée
fourniront à ce titre des outils moléculaires appréciables.
Notes :
1) Tissu végétal formé de cellules vivantes, de fibres et de
vaisseaux, assurant la montée de la sève dans la plante
Références :
C. Tournaire-Roux , M. Sutka, H. Javot, E. Gout, P. Gerbeau, DT.
Luu, R. Bligny, C. Maurel. Cytosolic pH regulates root water
transport during anoxic stress through gating of aquaporins.
Nature, 25 septembre 2003
Dans le même numéro de Nature, des chercheurs de l'université de
Harvard, N. Michele Holbrook et Maciej A. Zwieniecki, commentent
l'importance de ces travaux sur les mécanismes de tolérance des
plantes aux inondations. Water Gate, news and views p.361. |