October 6, 2003
De
nouvelles pistes pour la lutte biologique contre les microbes et
les insectes
Le génome de Photorhabdus luminescens, une bactérie
pathogène d'insectes vivant en symbiose avec un ver (nématode),
vient d'être entièrement séquencé par une équipe de l'Institut
Pasteur (associée au CNRS). Son analyse, publiée dans Nature
Biotechnology (E. Duchaud et al., novembre 2003), a été
réalisée en collaboration avec l'INRA-Université de Montpellier
II, d'autres équipes du CNRS et de l'Institut Pasteur, et la
société Bayer CropScience. Elle révèle toute une variété de
gènes codant pour des toxines entomopathogènes, qui pourront
être utiles à la lutte contre les insectes nuisibles. De plus,
la bactérie détient de nombreux gènes codant la biosynthèse
d’antibiotiques et d’antifongiques, sources potentielles de
retombées pour le traitement des maladies infectieuses.
Les équipes coordonnées par Frank Kunst (Institut Pasteur-CNRS)
et Philippe Glaser (Institut Pasteur), responsables du
Laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes de
l'Institut Pasteur ont séquencé et analysé le génome de
Photorhabdus luminescens, un chromosome circulaire contenant
un total de 4839 gènes codant des protéines.
La bactérie Photorhabdus luminescens, initialement
caractérisée par l’équipe de Noël Boemare (INRA-Université), vit
dans le tube digestif d'un nématode. Lorsque le ver s'attaque à
des larves d'insectes, il crée de petites lésions qui permettent
à la bactérie de s'introduire dans l'hémolymphe de l''insecte.
Elle sécrète alors toute une gamme de facteurs de virulence
entraînant une mort rapide de la proie. Photorhabdus
luminescens est ainsi capable d'anéantir, portée par son
vecteur, une large variété d'insectes.
Rien d'étonnant donc à ce que les chercheurs aient identifié des
gènes de toxines susceptibles de tuer de nombreux insectes. Mais
il faut préciser qu'aucun génome bactérien aujourd'hui séquencé
n'avait permis de trouver autant de gènes de toxines
entomopathogènes. Les chercheurs ont de plus vérifié
expérimentalement la toxicité de certaines de ces protéines, qui
se sont avérées, entre autres, mortelles pour les moustiques.
Ces découvertes sont donc du plus haut intérêt pour les
recherches concernant la lutte contre les insectes nuisibles
pour l'agriculture ou pour la santé humaine.
La bioconversion du corps de la proie par des enzymes de la
bactérie permet à celle-ci de s'y multiplier tandis que le ver
se reproduit, et de s'associer de nouveau au nématode avant de
quitter le cadavre de l'insecte. La bactérie Photorhabdus
luminescens doit aussi défendre le cadavre de l'insecte des
microbes qui entrent en compétition avec elle. La bactérie
sécrète pour cela des substances capables de détruire d'autres
bactéries ou des champignons. Les chercheurs ont effectivement
identifié toute une gamme de gènes codant la biosynthèse
d’antibiotiques et d’antifongiques. Ils pourraient aider au
développement de nouveaux moyens de lutte contre les maladies
infectieuses.
Photorhabdus luminescens
offre donc, à la lumière de son génome, de nouvelles pistes pour
la lutte biologique contre les microbes et les insectes.
Les chercheurs ont aussi découvert de nombreux gènes qui
permettront de mieux comprendre la symbiose entre cette bactérie
et le nématode qui l'abrite. Ces connaissances pourraient être
utile à une utilisation de ce "couple" pour la lutte biologique
contre les insectes.
Ce projet a été financé en partie par la subvension
"Après-séquençage des génomes" du Ministère de l'Economie, des
Finances et de l'Industrie.
Source :
- "The Photorhabdus luminescens genome reveals a
biotechnological weapon to fight microbes and insect pests",
Nature Biotechnology,
Novembre 2003.
Eric Duchaud1, Christophe Rusniok1, Lionel Frangeul2,
Carmen Buchrieser1, Alain Givaudan5, Séad
Taourit1, Stéphanie Bocs6, Caroline
Boursaux-Eude2, Michael Chandler7,
Jean-François Charles3, Elie Dassa4,
Richard Derose8, Sylviane Derzelle3,
Georges Freyssinet8, Sophie Gaudriault5,
Claudine Médigue6, Anne Lanois5, Kerrie
Powell9, Patricia Siguier7, Rachel Vincent5,
Vincent Wingate9, Mohamed Zouine1,
Philippe Glaser1, Noël Boemare5, Antoine
Danchin3 et Frank Kunst1
1. Laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes,
Institut Pasteur, Paris
2. Génopole, Plate-Forme Intégration et Analyse génomiques,
Institut Pasteur, Paris
3. Unité de Génétique des Génomes Bactériens, Institut Pasteur,
Paris
4. Unité de Programmation Moléculaire et Toxicologie Génétique,
Institut Pasteur, Paris
5. Laboratoire EMIP, Université Montpellier II, INRA (UMR 1133),
Montpellier
6. Atelier de Génomique Comparative, Génoscope/CNRS-UMR 80 30,
Evry
7. Laboratoire de Microbiologie et de Génétique Moléculaire,
CNRS, Toulouse
8. Bayer CropScience, Evry
9. Bayer CropScience, NC 277709, USA |