Par Daniel Chéron,
Président du Comité exécutif de
Biogemma
Les plantes transgéniques sont aujourd’hui cultivées dans le
monde sur plus de 50 millions d’hectares, dont plus de la moitié
aux Etats-Unis. Ces cultures se développent à un rythme de 10%
par an… sauf dans l’Union Européenne où un moratoire sur la
commercialisation des plantes génétiquement modifiées a été
institué en 1998. Ce contexte crée progressivement une exception
de l’agriculture européenne qui n’est pas tenable dans la durée,
l’innovation conditionnant, avec l’organisation équitable des
marchés, la place que notre secteur agricole et alimentaire
tiendra demain sur la scène internationale. Il ne s’agit pas de
présenter les OGM comme une panacée. Ni de prétendre que
l’agriculture du 21° siècle sera OGM ou ne sera pas. Il s’agit
bien de mesurer le risque, économique et social, que prendrait
l’Europe si elle se privait durablement d’une technologie qui,
dans un certain nombre de cas, est à même de répondre aux grands
défis de l’agriculture : réduction des traitements chimiques,
économie des ressources en eau, compétitivité des productions,
qualité et sûreté des aliments…
C’est pour que l’Europe ne rate pas ce virage technologique,
et que les agriculteurs soient les premiers acteurs de ce champ
d’innovation, que nous avons créé il y a cinq ans, avec d’autres
entreprises agricoles, une structure de recherche en
biotechnologies végétales : Biogemma (1). Les travaux menés par
les chercheurs de Biogemma s’inscrivent dans une longue histoire
de l’amélioration des plantes qui, on l’oublie trop souvent, a
contribué pour une grande part au progrès général de
l’agriculture. Cette histoire a connu une première accélération
prodigieuse au milieu du XIX° siècle avec les découvertes du
moine Mendel, le père de la génétique, et les travaux de Louis
de Vilmorin, gentleman-farmer français qui inventa la méthode de
la sélection généalogique. Le principe ? Isoler, choisir et
croiser différentes plantes avant d’auto-féconder leurs
descendances. Le blé que nous connaissons est le fruit de ces
techniques: un blé vigoureux et homogène qui ne verse plus,
comme hier, sous le poids des grains… Cent ans plus tard - en
1953 précisément – nouveau bond en avant. Deux chercheurs, James
Watson et Francis Crick, découvrent la structure en double
hélice de l’ADN, le vecteur de l’hérédité. C’est le début de
l’ère de la biologie moléculaire et bientôt, dans les années 80,
la mise au point de technologies qui vont permettre un
développement formidable des connaissances sur les gènes, leur
fonctionnement et leur régulation.
Cette science nouvelle, qu’on appelle la génomique, est
aujourd’hui au cœur des missions de Biogemma . De même que
l’analyse du génome humain ouvre d’immenses perspectives en
terme de santé, la lecture des gènes des principales plantes
cultivées permet de mieux appréhender leur diversité génétique
et de préciser, grâce à des marqueurs moléculaires, le travail
de création variétale. Parmi ces techniques d’étude du vivant,
la transgénèse est devenue un outil d’importance capitale.
Consistant à modifier un génome par génie génétique, elle est
utilisée en routine par la communauté scientifique pour produire
de nouvelles connaissances fondamentales. Mais elle est aussi
appliquée pour que des plantes développent des propriétés
nouvelles qu’il est difficile, parfois même impossible,
d’obtenir par les techniques classiques de croisement : des
caractéristiques agronomiques ou qualitatives importantes,
comme, par exemple, la tolérance du maïs à la sécheresse. En
introduisant un gène de sorgho dans le génome du maïs, Biogemma
a ainsi réussi à créer des plantes capables de mieux utiliser
l’eau disponible.
Au nom de quoi se priver de telles innovations, dès lors
qu’elles ont fait la preuve de leur utilité et qu’elles ont
franchi avec succès toutes les étapes d’évaluation des risques
exigées par la réglementation européenne ?
Il est temps de sortir de ce statu quo et de retrouver une
ambition. Comment ? En créant les conditions d’un meilleur
dialogue entre le monde agricole et la société (2) ; en
finalisant également au plus vite l’environnement réglementaire
européen qui garantira une véritable liberté de choix du
consommateur : c’est toute la question actuellement débattue des
critères de coexistence des différents types de cultures (bio,
conventionnelle, OGM…), coexistence à laquelle nous sommes
profondément attachés; enfin, ne l’oublions pas, en continuant
avec persévérance d’étudier, d’évaluer et de tester les plantes
de demain, en laboratoire, en serre, mais aussi au champ, ultime
et indispensable étape de validation dans des conditions réelles
de culture qui, trop souvent, est entravée par des campagnes
d’arrachage.
Encore une fois, si nous voulons que l’agriculture européenne
relève les missions que lui assigne aujourd’hui avec force la
société - la fourniture de produits de qualité et la
contribution à un meilleur environnement – il nous faut
impérativement poursuivre ce long travail d’amélioration des
plantes et créer de nouvelles variétés végétales : des variétés
OGM ou non OGM selon le caractère recherché, mais dans tous les
cas, sûres, innovantes et utiles.
(1) Biogemma est la seule entreprise de recherche en
biotechnologies végétales issue du monde agricole, financée et
dirigée par des agriculteurs. Ses actionnaires sont les groupes
cooopératifs Limagrain et Euralis, la société de semences RAGT
et les organismes financiers des filières agricoles Unigrains et
Sofiprotéol. Biogemma réunit plus de 100 chercheurs et
techniciens, avec un budget de recherche de 19 millions d’euros.
(2) Dans le cadre de sa charte d’engagement, Biogemma a
crée le comité Cultura, une instance de débat qui accueille, aux
côtés des dirigeants et des responsables scientifiques de
l’entreprise, des représentants d’organisations agricoles
couvrant toute la diversité des productions agricoles françaises
(céréales, polyculture, élevage, agriculture spécialisée). Son
but est de promouvoir une approche globale « agriculture,
recherche et société ». Les minutes de la première réunion sont
consultables sur le site internet de Biogemma :
www.biogemma.com